Suspicion de fraude à l’assurance sociale : suspension provisoire de rente ?

Un assuré était au bénéfice d’une rente AI depuis plusieurs années. Soupçonné d’avoir donné des indications inexactes, il voit sa rente être suspendue à titre provisoire en 2015, une procédure pénale étant l’époque en cours à ce sujet.

En 2017, il est acquitté dans le cadre de cette procédure, par le tribunal supérieur du canton de Zurich. Il demande alors, à titre de mesures provisoires, la suppression de cette suspension de rente, autrement dit la reprise du paiement de la rente.

Le Tribunal des assurances du canton de Zurich lui donne raison. L’office AI fait cependant recours au Tribunal fédéral (TF), en vue de prolonger le non-paiement provisoire de la rente.

Le TF considère que les exigences de preuve ne sont pas les mêmes en procédure pénale et en assurance sociale. En procédure pénale, il y a la présomption d’innocence : en l’espèce, il n’a pas été établi de manière suffisamment certaine que l’assuré a travaillé (dans un bar à kebab) d’une manière assez intensive pour qu’il y ait fraude à l’assurance (laquelleavait alloué la rente pour cause d’incapacité de travail) Cela a conduit à son acquittement.

En assurance sociale toutefois, c’est la règle de la vraisemblance prépondérante qui s’applique. Or, l’acquittement dans la procédure pénale a été fait pratiquement au bénéfice du doute. Il n’a pas été constaté, dans cette procédure, que l’assuré n’a pas donné d’indications inexactes. Ainsi, la procédure pénale ne peut pas être déterminante pour apprécier où se situe la vraisemblance prépondérante, au stade des mesures provisionnelles en assurance sociale. Il n’y a donc pas assez d’éléments propres à entraîner la reprise provisoire de la rente. Le recours de l’office AI doit ainsi être admis. Certes, il est possible qu’à la fin la rente soit tout de même due, mais en attendant la suspension peut se poursuivre vu le risque, si la rente devait être finalement supprimée, que l’office AI ne puisse pas récupérer les rentes payées à tort.

9C_144/2019 du 26.9.2019

Notre commentaire :

Cet arrêt nous semble critiquable et beaucoup trop favorable aux assureurs sociaux. Lorsqu’une personne accusée de fraude à l’assurance sociale est acquittée dans la procédure pénale, même au bénéfice du doute, on doit considérer qu’elle a, à tout le moins, fourni une vraisemblance prépondérante qu’elle n’a pas commis une telle fraude. Elle a donc, en assurance sociale, une plus grande probabilité de gagner son procès que de le perdre. La pesée des intérêts, après le jugement favorable du tribunal pénal supérieur du canton, est clairement en sa faveur, comme l’avait jugé — à juste titre selon nous — la cour des assurances sociales dudit canton. Certes, le risque financier pour l’assureur social (insolvabilité de l’assuré s’il était finalement condamné à rembourser) subsiste, mais c’est généralement le cas de toutes les prestations qui pourraient un jour devoir être remboursées, de sorte que l’on retombe de toute façon, au stade des mesures provisionnelles, sur le critère de la pesée des intérêts : ceux des assureurs sociaux ne doivent pas systématiquement l’emporter sur ceux des assurés.

 

 

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