Qui est le bailleur lorsque l’immeuble est vendu avant l’entrée du locataire ?

Un locataire commercial  A. signe un bail avec la société propriétaire de l’immeuble, B. Avant même l’entrée de ce locataire, l’immeuble est vendu à un nouveau propriétaire, C., qui signe avec A. un avenant prévoyant notamment une peine conventionnelle pour chaque semaine de retard dans la remise de l’objet du bail. De tels retards se produisent effectivement et A. réclame à B., l’ancien propriétaire, la peine conventionnelle totalisant Fr. 1’780’000.-. Celui-ci conteste sa « légitimation passive » : il fait valoir qu’ayant vendu l’immeuble à C., qui a d’ailleurs signé l’avenant avec le locataire A., ce dernier ne peut plus s’en prendre à lui, B. Le tribunal de commerce de Zurich admet cet argument et rejette l’action de A.. A. recourt au Tribunal fédéral (TF).

Le TF admet qu’il n’a jamais tranché, jusqu’ici, la question litigieuse liée à une vente de l’immeuble qui intervient avant même la prise de possession des locaux, selon le bail passé avec l’ancien propriétaire. L’article 261 CO, identique quant à cette question dans ses trois versions linguistiques, ne parle pas de la remise de la chose, mais dit simplement que « si, après la conclusion du contrat, le bailleur aliène la chose louée (…), le bail passe à l’acquéreur avec la propriété de la chose ». Autrement dit, c’est bien la conclusion du contrat de bail qui est déterminante. Certes, la doctrine (les auteurs) sont divisés sur cette question. Néanmoins, les travaux historiques — le TF remonte jusqu’au début du XXe siècle — ne permettent pas de dire que le législateur aurait voulu une autre solution. Au contraire, il a voulu protéger le locataire dès la signature du bail, pour le cas où l’immeuble serait vendu. En l’espèce, il ne s’agit pas non plus de protéger l’acquéreur de l’immeuble, qui certes peut ignorer qu’un bail a été signé, mais cela n’a pas été le cas ici : l’avenant a été signé entre le locataire et l’acquéreur de l’immeuble. Rien ne permet de dire que c’est acquéreur, pour l’occasion, représentait l’ancien propriétaire. Autrement dit,  en définitive, c’est bien le nouveau propriétaire qui est désormais le partenaire contractuel du locataire et c’est lui que ce locataire aurait dû attaquer.

ATF 4A_393/2018 du 20.2.2019, (malheureusement) non destiné à publication

Notre commentaire :

Cet arrêt, rédigé de manière extrêmement approfondie — et qui est à notre sens convaincant —, aurait mérité une publication, puisque le TF lui-même dit que la question litigieuse n’avait pas encore été tranchée. Cela dit, on ignore pourquoi A. n’a pas (aussi ou uniquement) attaqué C. et il peut encore apparemment le faire…

 

 

 

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