Propos sexistes lors d’un « pot de départ » : cela justifie-t-il un licenciement immédiat ?

À fin octobre 2013, un salarié, de formation universitaire, travaillant comme assistant pour un salaire annuel brut de Fr. 79’000.-, se retrouve dans un bar avec 3 collègues, pour un « pot de départ ». Parlant d’une collègue féminine qu’il connaissait depuis l’université, mais qui n’était pas présente dans le bar, il pose la question suivante : « qui prendrait cette collègue à quatre pattes sur la table d’audit ? ». Immédiatement, les collègues présents lui font remarquer que de telles questions sexistes sont inadmissibles. Le salarié renouvelle pourtant sa question. Plus tard, la collègue féminine l’apprend et essaie vainement d’en parler avec l’auteur de ces propos, qui s’énerve et refuse cette discussion, mais lui envoie tout de même un courriel d’excuses. Apprenant cet épisode, l’employeur licencie ce salarié avec effet immédiat. Celui-ci réclame le salaire correspondant au délai de congé. Il se voit débouté en première instance. Les juges relèvent que ce n’était pas la première fois qu’il avait des attitudes grossières et sexistes. Néanmoins, il obtient gain de cause en appel. L’employeur recourt alors au Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité rappelle qu’elle n’est pas une « 3e instance » pouvant réexaminer les faits. Ceux-ci sont définitivement arrêtés en instance cantonale, sous réserve d’une appréciation arbitraire de leur part. Autrement dit, les juridictions cantonales ont une certaine liberté d’appréciation, qui leur est accordée par le texte même de l’art.337 al.3 CO.

Or, l’employeur n’est pas parvenu à démontrer que l’appréciation de la Cour d’appel vaudoise, donnant raison à l’employé, était entachée d’arbitraire. En particulier, il n’a pas été jugé par cette Cour d’appel que — contrairement aux affirmations de l’employeur — cet homme était imperméable à tout avertissement et n’aurait pas modifié son comportement si un tel avertissement lui avait été donné : il s’était en effet excusé. On ne peut pas dire dans ces conditions que l’intérêt de l’employeur, soit la confiance qu’il pouvait accorder à ce salarié, exigeait qu’il se sépare immédiatement de lui. Faute d’avertissement préalable, le licenciement immédiat n’est pas valable. L’employé a droit à son salaire durant son délai de congé.

ATF 4A_124/2017 du 31 janvier 2018

Notre commentaire : 

C’est certainement un cas-limite : le comportement de ce salarié était effectivement inadmissible. Toutefois, la collègue féminine visée n’était pas présente, a déclaré n’avoir pas souffert de ces propos, et l’auteur desdits propos grossiers et sexistes s’est excusé. De plus, le contexte (un « pot de départ » (sans doute quelque peu arrosé, rem. de l’auteur…) ne se situait pas sur les lieux de travail. Dans ces conditions, on peut comprendre la position de la Cour d’appel vaudoise et du TF  : le licenciement étant facile en Suisse, un licenciement immédiat ne doit être admis que de manière restrictive, soit uniquement lorsque l’on ne saurait exiger de l’employeur qu’il continue « une minute de plus » la relation travail avec l’employé licencié.

 

 

 

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