Cartel d’importation : une amende salée pour BMW

Depuis 2003, BMW et MINI interdisent à leurs grossistes et garagistes de livrer des véhicules et des pièces de rechange dans les pays extérieurs à l’Espace économique européen (EEE). La Suisse est frappée, puisqu’elle ne fait pas partie de cet Espace.

En 2010, la Commission suisse de la concurrence (Comco), un organe de l’administration fédérale, reçoit une plainte d’un client ne pouvant procéder à une importation directe d’Allemagne d’un véhicule BMW, en raison de cette clause. Cette impossibilité fait l’objet d’une émission de la télévision suisse alémanique.

En 2012, la Comco estime ce procédé illicite et fait interdiction à BMW d’appliquer une telle clause, en lui infligeant une amende de 157 millions de francs suisses.

BMW recourt en vain auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF), puis auprès du Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité rappelle qu’en principe les accords qui affectent de manière notable la concurrence et qui ne sont pas justifiées par des motifs d’efficacité économique, ainsi que tous ceux qui conduisent à la suppression d’une concurrence efficace, sont en principe illicites (art. 5 al. 1 de la Loi sur les cartels, LC). Même une atteinte potentielle à la concurrence — par opposition à une atteinte effective — est inadmissible parce qu’elle crée un climat hostile à la libre concurrence. Il n’est donc pas nécessaire, en l’espèce, de déterminer combien d’acheteurs ont été empêchés de faire des importations parallèles. Autrement dit, le préjudice économique effectif résultant de l’application de cette clause est sans importance.

BMW n’apporte aucune justification à cette clause frappant le marché suisse.

Par conséquent, l’amende est clairement justifiée dans son principe.

Reste évidemment la question du montant, fixé par l’article 49a LC au maximum à « 10 % du chiffre d’affaires réalisé en Suisse au cours des 3 derniers exercices ». S’appuyant sur sa pratique, le TF fixe l’amende à 5 %, ce qui faisait les 157 millions.

L’amende est ainsi intégralement confirmée et les frais de justice du Tribunal fédéral sont fixés à Fr. 100’000.-

ATF 2C_63/2016 du 24.10.2017

Notre commentaire 

Cet arrêt ne fait que confirmer un arrêt antérieur 143 II 297 (2C_180/2014 du 28 juin 2016, arrêt dit Elmex). Les limitations cartellaires d’exportation et d’importation (car il existe aussi des clauses qui interdisent à des grossistes suisses de se fournir directement auprès de grossistes étrangers) transforment la Suisse en un « îlot de cherté ». On votera d’ailleurs prochainement sur une initiative à ce sujet. À première vue, l’amende infligée à BMW paraît exorbitante, mais elle ne l’est en réalité pas si on tient compte du fait que 5 % est largement inférieur à l’augmentation de prix obtenue par cette entreprise grâce à la clause cartellaire prohibée. Autrement dit, ces 157 millions, de surcroît limités à une période de 3 ans, représentent beaucoup moins que le « sur-profit » réalisé par les prix excessifs sur le marché suisse. Néanmoins, cet arrêt est un signal important, comme l’arrêt Elmex,  pour mieux ouvrir le marché suisse à la concurrence, en favorisant les importations parallèles. Par ailleurs, BMW n’ayant pas un monopole (sauf pour les pièces de rechange), on peut espérer qu’au final l’amende ne sera pas — ou du moins pas entièrement — reportée sur les consommateurs suisses…

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