Assurance perte de gain et invalidité : que faut-il prouver pour toucher des rentes ?

Un commerçant conclut une assurance-vie auprès de la Vaudoise Vie, prévoyant, en cas d’incapacité de travail et de gain, une rente mensuelle d’invalidité, ainsi que des primes gratuites (dispense de l’obligation de payer les primes). Ce type d’assurance peut faire partie de l’une ou l’autre de deux catégories bien distinctes : il peut s’agir d’une assurance de somme ou d’une assurance de dommages, selon la manière dont la police et les conditions générales sont rédigées.

En l’espèce, une rente fixe était mentionnée dans la police. L’assuré pensait que s’il devenait incapable de travailler, il toucherait sans autre la rente prévue. Pour lui, on était dans une assurance de somme, sans nécessité de prouver l’ampleur de la perte économique subie. La compagnie d’assurances voyait les choses différemment : se basant sur ses conditions générales, qui exigeaient que l’assuré prouve une perte de revenus ou un autre préjudice pécuniaire équivalent (à une telle perte), elle faisait valoir que l’assuré, certes incapable de travailler, n’avait néanmoins pas prouvé un dommage pécuniaire. Par conséquent, il n’avait pas droit à la rente. Les deux instances cantonales donnent tort à l’assuré, qui recourt au TF.

Cette autorité confirme sa jurisprudence traditionnelle sur la distinction entre les assurances de somme et les assurances de dommage : tout dépend du point de savoir si, dans le contrat d’assurance, il est prévu que la rente est due dès qu’il y a incapacité de gain (c’est alors une assurance de somme) ou s’il faut en outre que l’assuré prouve un préjudice financier (ce sera alors une assurance de dommages, qui a un caractère dit « indemnitaire »). Ici, il est bel et bien fait mention de la nécessité d’établir un préjudice financier. On est donc dans une assurance de dommages. Toutefois, à y regarder de plus près, on constate que l’assureur n’a pas prévu, dans ses conditions générales, que la prestation ne serait due qu’à concurrence du dommage effectif subi par l’assuré. Ce dommage ne sert donc pas à définir la prestation, mais bien — uniquement — le degré d’incapacité de gain. Autrement dit : «( l’assureur) ne s’est pas engagé à indemniser le dommage effectif subi par (l’assuré) ; les parties ont convenu par avance d’une rente fixe par an. La perte économique effective n’a donc qu’une incidence indirecte sur le montant de la prestation d’assurances dues, fixée forfaitairement et susceptible de varier en fonction du degré d’incapacité de gain » (suivent des renvois à la jurisprudence). En l’espèce, la cause est renvoyée en instance cantonale pour complément d’instruction. L’assuré, qui obtient gain de cause sur le principe, a droit à des dépens.

ATF du 26 février 2016, 4A_451/2015

Notre commentaire :

Cet arrêt très clair, rendu dans une affaire vaudoise où, manifestement, les instances judiciaires de ce canton se sont fourvoyées, ne peut qu’être approuvé. En effet, cette distinction traditionnelle — et ancienne — entre les assurances de somme et les assurances de dommages entraîne des confusions, pour ne pas dire des tromperies. L’assuré croit être bien couvert, dès le début de son activité professionnelle, que ce soit comme indépendant ou comme responsable d’une petite société qui a conclu l’assurance. C’est en général ce qu’on lui explique pour l’amener à signer la proposition d’assurance. Si, notamment dans les premiers mois d’activité, il est victime d’un accident ou d’une maladie grave qui l’empêchent totalement de travailler, il souhaite bien évidemment recevoir les prestations pour lesquelles il a payé des primes et qui doivent constituer son revenu de remplacement. Au début de son activité, il n’a certainement pas encore réalisé de bénéfice et il ne peut donc pas prouver « un préjudice financier ». Nous estimons pour notre part que cette question est à ce point importante qu’elle devrait figurer non pas dans les conditions générales, mais dans la police elle-même. Reste à espérer que les nombreuses compagnies d’assurances qui ont cette clause ne vont pas chercher à la modifier au détriment des assurés…

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