Quand les CGA font-elles partie du contrat d’assurance ?

Un assuré déménage à l’étranger. Selon les conditions générales, cela le prive des prestations. Dans le procès en instance cantonale, l’assuré indique que la clause appliquée par l’assureur, le privant de prestations en cas de départ à l’étranger, n’est tout simplement pas incorporée au contrat : les CGA ne lui ont pas été communiquées. L’assureur se fonde sur la phrase usuelle, imprimée en petits caractères au-dessus de la signature du proposant (qui est l’assuré) indiquant que celui-ci a reçu les conditions générales.

Le Tribunal zurichois donne tort à l’assuré, qui recourt au Tribunal fédéral.

Devant la Cour suprême, l’assuré fait valoir tout d’abord que la police elle-même (indépendamment de ce qui figure sur la proposition d’assurance) ne renvoie pas aux conditions générales. Le TF rejette cette argumentation : l’assureur a toujours dit et voulu que les conditions générales fassent parties de la police et de surcroît l’assuré a confirmé par sa signature sur la proposition qu’il les avait reçues. En présence d’une telle clause, il suffit selon la jurisprudence que l’assuré ait la possibilité (« die zumutbare Möglichkeit ») de prendre connaissance de CGA. Le TF ajoute cependant (cons. 5.4.2) (traduction) : « Le recourant ne démontre pas que lors de la signature du contrat son attention n’aurait pas été attirée sur les CGA. Il n’établit pas non plus qu’il n’aurait pas eu la possibilité de les recevoir et d’en prendre connaissance ». Ainsi, les conditions générales en question sont bel et bien incorporées au contrat et peuvent être opposées. Or, elles prévoient justement la suppression des prestations en cas de départ à l’étranger. Ainsi,  le recours doit être rejeté.

L’assuré faisait valoir en outre un vice de procédure, qui a donné lieu à des controverses : il s’agit de l’application de l’art. 233 du Code de procédure civile : « Les parties peuvent, d’un commun accord, renoncer aux débats principaux » : en l’espèce, il y avait eu renonciation. Le TF tranche la controverse dans le sens qu’une renonciation à ces débats principaux ne signifie pas forcément une renonciation simultanée aux premières plaidoiries selon l’art. 228 CPC, aux administrations de preuve selon l’art. 231 CPC ou aux plaidoiries finales selon l’art. 232 CPC. En l’espèce toutefois, l’assuré et son conseil n’ont pas été suffisamment proactifs et le Tribunal zurichois pouvait, vu cette renonciation aux débats principaux, considérer en l’espèce qu’il y avait aussi renonciation à ces trois démarches des art. 228 à 232 CPC.

4A_47/2015 du 2 juin 2015

Notre commentaire :

Il faut rappeler tout d’abord qu’en matière d’assurance les conditions générales forment pratiquement un code assez long et complexe. Un assuré qui n’est pas un professionnel du droit a certainement du mal à s’y retrouver. L’idée qu’il est donc « d’accord » avec toutes les clauses des CGA constitue une fiction défavorable à l’assuré. Néanmoins, un assuré qui imagine voire envisage de partir à l’étranger devrait contrôler que cela n’entraînera pas une perte de prestations. S’il constate, alors qu’il est au bénéfice de prestations pour incapacité de travail, que le risque de suppression existe, il a tout intérêt à conserver son domicile en Suisse. Nous avons déjà dit et répété que les CGA des diverses compagnies devraient être standardisées et même qu’une formule d’assurance sans CGA devrait pouvoir être trouvée. Cela éviterait les discussions sur l’incorporation ou non de ces CGA.

Il faudrait aussi éviter, en lisant cet arrêt,  de sortir de son contexte la phrase mentionnée ci-dessus du consid. 5.4.2 : nous ne pensons pas que le TF ait voulu dire par là que l’assuré doit prouver des faits négatifs, à savoir que son attention n’a pas été attirée sur les CGA et qu’il n’a pas eu la possibilité d’en prendre connaissance. Une telle règle irait à l’encontre de la maxime logique : « negativa non sunt probanda » (on ne peut pas prouver que quelque chose n’existe pas).

 

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