Réticence selon le nouveau droit : effets différents sur la police et sur la prestation

Un assuré conclut chez Allianz, en 2007, une police d’assurance « prévoyance liée », avec capital en cas de vie ou de décès et libération des primes en cas d’incapacité de gain.

Dans le questionnaire de santé, il omet de mentionner un accident avec contusions lombaires en 2003, ayant entraîné un traitement hospitalier et un arrêt de travail d’une semaine . Apprenant cela, Allianz résilie le contrat pour réticence.

L’assuré conteste cette résiliation et obtient gain de cause en 1ère instance : il est jugé qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les troubles actuels à la colonne vertébrale (de nature dégénérative) et l’accident de 2003.  Allianz recourt au TF.

Cette autorité examine tout d’abord si, en 1ère instance comme au TF, il y un intérêt juridique à savoir si la police est ou non toujours en vigueur. En effet, il n’est en principe pas possible de demander à un Tribunal une sorte d’avis de droit lorsqu’on peut réclamer des prestations. Néanmoins, le TF admet ici l’intérêt juridique suffisant, eu égard à la question du paiement des primes.

Sur le fond, le TF donne raison à l’assureur : le nouvel art. 6 LCA n’exige un lien de causalité qu’entre l’affection passée à tort sous silence et  l’obligation de prester dans le cas concret

(al. 3 : « (en cas de réticence)3 Si le contrat prend fin par résiliation en vertu de l’al. 1, l’obligation de l’assureur d’accorder sa prestation s’éteint également pour les sinistres déjà survenus lorsque le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur la survenance ou l’étendue du sinistre. Dans la mesure où il a déjà accordé une prestation pour un tel sinistre, l’assureur a droit à son remboursement. »

Après avoir examiné la doctrine, le TF conclut (traduction) :

« La validité de la résiliation pour réticence, en tant que telle, (…) ne pouvait pas être liée à la condition (de causalité, n.d.r) posée à l’al. 3 (…) Une telle condition pouvait tout au plus influer sur l’obligation de l’assureur de fournir sa prestation pour les sinistres déjà survenus. Mais cela (…) ne fait  pas ici l’objet de conclusions en paiement (…). Dès lors la résiliation pour réticence doit être déclarée valable ».

ATF du 11 mai 2012, 9C_680/2011, destiné à publication

Note

On se réjouit qu’un arrêt cherche à clarifier les relations entre les al. 1 et 3 de l’art. 6 nouveau LCA. D’un côté, en cas de réticence, toute la police est annulée (al.1). Mais d’un autre côté, il devrait en principe subsister, malgré cette annulation, une obligation de prester pour les sinistres sans lien de causalité avec la réticence (al. 3). En faisant ici prévaloir l’al. 1, parce qu’aucune réclamation de prestation n’avait été formulée, le TF nous paraît être contradictoire avec la recevabilité, admise à juste titre pour réserver l’avenir. Mais aussi illogique pour la suite : si la police est entièrement annulée, quid si demain un sinistre sans relation avec la réticence se produit ? S’il n’est effectivement plus assuré, comme le dit le TF, il y a à notre sens violation de la nouvelle règle dite « de la spécialité de la réticence ». Avec l’annulation, les primes ne sont plus acquittées, et un tel sinistre, pour cette raison déjà, ne sera plus couvert… D’autre part, le résultat de cet arrêt est que seuls les sinistres déjà survenus et qui sont  sans relation de causalité avce la réticence seront couverts peuvent bénéficier de l’al. 3, ce qui est manifestement contraire à ce que voulait le législateur. Mais  il est vrai que ce n’est pas facile, pour une police « multipack » (comportant à la fois une assurance mixte en cas de vie et une assurance en cas de perte de gain »), de distinguer entre la part des primes qui sert à couvrir chacun des risques.

Autrement dit, le système du nouvel al.3 de l’art. 6 est encore perfectible : il suffirait, pour la réticence, de travailler avec le concept de réserve rétroactive, plutôt que d’annulation rétroactive du contrat. Concrètement en l’espèce : une réserve rétroactive serait automatiquement introduite pour tout ce qui est en relation de causalité avec la réticence, mais les couvertures subsisteraient pour le reste (ici : l’ affection de la colonne vertébrale entraînerait la réserve rétroactive pour la couverture de l’incapacité de travail, mais cela ne toucherait en aucun cas  le risque décès, totalement étranger à cette question ; autre exemple : une réticence sur une affection cardiaque, vu cette réserve rétroactive,  permettrait à l’assureur de refuser sa prestation en cas de décès dû à cette cause, mais non si l’assuré est tué sur la route…). Un peu de logique ne ferait pas de mal….

Reste que le cas de la réticence invoquée « à froid » (hors de tout sinistre) semble devoir être une hypothèse assez peu fréquente : c’est en général le sinistre et une demande de prestations qui amènent l’assureur à s’informer plus à fond sur la véracité des réponses apportées à l’époque au questionnaire de santé.

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