Logement de la famille : précision de jurisprudence

Un couple de locataires se sépare. La convention de séparation, approuvée par le tribunal, indique que c’est Monsieur qui s’en va et Madame qui conserve l’appartement.

Un peu plus tard, les bailleurs résilient. Madame conteste cette résiliation, mais agit sans la signature de Monsieur.

Les bailleurs font valoir que cette résiliation est entrée en vigueur, parce que la contestation de résiliation aurait dû être signée par les deux époux qui, bien qu’ils soient séparés, sont encore mariés et tous deux signataires du bail. Autrement dit, les bailleurs font valoir un vice de forme affectant cette contestation de la résiliation. Celle-ci serait donc valable et définitive.

Les juridictions cantonales rejettent cet argument : Madame pouvait très bien signer toute seule la contestation de résiliation. Les bailleurs recourent au Tribunal fédéral (TF).

Le TF rappelle sa jurisprudence, plusieurs fois confirmée, publiée sous 140 III 598 : il a jugé que les locataires sont des consorts, et qu’ils doivent donc agir ensemble. Il constate que cette jurisprudence a fait l’objet de plusieurs critiques de la doctrine et qu’elle doit donc être soumise à un nouvel examen. Il est logique cependant de considérer l’aspect social (protection de la famille). On peut admettre que cet aspect social est sauvegardé si l’un des époux agit seul comme demandeur, mais alors l’autre époux doit pouvoir participer au procès au moins comme défendeur, puisqu’il est codébiteur solidaire du loyer. Cela n’a pas été le cas ici, puisque Monsieur ne fait pas partie du procès. En soi, il y a donc bien un vice de forme dans la contestation de la résiliation.

Cependant, les bailleurs ne peuvent pas se prévaloir de ce vice sans violer le principe de la bonne foi. Il y a ici abus de droit à invoquer ce vice : Monsieur n’a accepté (tacitement) la résiliation que pour pouvoir ensuite conclure un nouveau bail pour cet appartement, ce qui est contraire à la convention de séparation qu’il a signée devant le juge matrimonial. En cherchant à protéger Monsieur, qui leur est proche, les bailleurs commettent un abus de droit en se prévalant d’une règle (la nécessité d’une double signature des époux) dans un but contraire à celui visé par ladite règle. Le recours des bailleurs est donc rejeté.

ATF 4A_570/2018 du 31 juillet 2019,  destiné à publication

 

 

 

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