SPECDO : à quelles conditions la rente accordée à l’époque peut être supprimée ?

Madame A. avait souffert en 2002 d’une grave dépression, avec des troubles somatoformes douloureux. Elle avait obtenu une rente AI entière, qui avait été confirmée lors de plusieurs révisions ultérieures. À partir de 2013, l’office AI a procédé dans son cas à de nouvelles expertises médicales, en application du titre final de la LAI, qui règle spécialement le cas des anciennes rentes SPECDO (voir sous ce mot dans le présent site). Ces expertises ont abouti à la suppression de la rente avec effet dès 2016. L’assurée fait recours auprès du tribunal cantonal de Lucerne, qui confirme cette suppression de rente. Elle recourt ensuite au TF.

Cette autorité rappelle tout d’abord qu’il existe des dispositions spéciales pour les révisions des anciennes rentes SPECDO, révisions qui sont plus largement admises qu’en application de l’article 17 LPGA. Par exemple, pour ces rentes-là, la révision à la baisse ou la suppression est possible même si la personne a atteint l’âge de 55 ans ou touché la rente durant plus de 15ans. Il faut cependant que la rente ait été allouée uniquement pour un syndrome douloureux sans substrat organique (SPECDO ). Mais dans les cas « combinés », c’est-à-dire lorsqu’il est possible de distinguer entre la partie de l’incapacité de travail ayant une base organique et la partie sans substrat organique, il y a lieu d’appliquer à la partie organique les règles plus favorables de l’article 17 LPGA. La jurisprudence 139 V 547 doit être précisée dans ce sens.

Ici, la dépression n’était pas un simple effet accessoire du trouble somatoforme douloureux. C’était un trouble psychique cristallisé, récidivant, en quelque sorte autonome. Dès lors, une révision ne peut être effectuée en application du titre final de la LAI. Seule possibilité de baisser ou de supprimer la rente : une révision selon l’art. 17 LPGA. Or, le TF ne s’estime pas en mesure de statuer sur l’application de cette disposition, à laquelle l’autorité cantonale ne s’est pas attachée. Le cas lui est donc renvoyé. L’assurée obtient — au moins provisoirement — gain de cause.

ATF 8C_174/2017 du 5.2.2108

Notre commentaire :

On voit la subtilité, mais aussi les complications, découlant de cette nouvelle disposition de la LAI concernant la possibilité de réviser, dans les 3 ans dès son entrée en vigueur, les anciennes rentes SPECDO. La première démarche consiste à voir si l’on peut distinguer les divers diagnostics formulés à l’époque, censés provoquer chacun une part de l’incapacité de travail. Si tel est le cas, on applique à la partie « somatique » les règles habituelles sur la révision (art. 17 LPGA) et à la partie SPECDO les règles spécifiques (moins favorables) de la nouvelle disposition. Ces règles habituelles permettent toutefois, selon la jurisprudence, une appréciation globale nouvelle. On a donc au final 2 appréciations parallèles du même cas sous 2 angles différents et il est extrêmement difficile de prévoir quelle sera l’issue de telles révisions. En tout cas, ce qui est intéressant dans cet arrêt, c’est que l’affection psychique dont souffrait l’assurée n’a pas été considérée comme une affection sans substrat organique, cela à l’encontre des tendances actuelles du TF lui-même d’étendre les règles SPECDO à l’ensemble des affections psychiques…

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