Débouchés sans visibilité : les miroirs sont-ils fiables ? Et si le prioritaire roule trop vite ?

X est condamné pour violation grave des règles de la circulation : il a débouché d’une route sans visibilité et a été percuté par un véhicule prioritaire qui roulait à environ 90 km/h à un endroit limité à 60 km/h.  Il recourt jusqu’au Tribunal fédéral (TF).

Notre Cour suprême rappelle tout d’abord qu’un conducteur qui débouche d’une route sans visibilité, que celle-ci soit masquée par un mur ou de la végétation, doit s’avancer très prudemment en tâtonnant, jusqu’à ce qu’il puisse voir sur la route prioritaire. Cette méthode a aussi l’avantage que les prioritaires puissent voir le véhicule avançant en tâtonnant et se comporter en conséquence.

Quid lorsqu’il y a un miroir ? X avait effectivement regardé le miroir, pour constater que l’automobile prioritaire était encore relativement loin. Si la collision a eu lieu, c’est uniquement, à son avis, parce que le prioritaire roulait beaucoup trop vite.

Le TF n’est pas de cet avis. Les miroirs déforment la réalité. Il est pratiquement impossible de s’y fier, notamment lorsqu’un miroir est convexe, ce qui est en général le cas.  Un tel miroir ne permet pas d’apprécier la distance et la vitesse du véhicule qui y apparaît,  Par conséquent, aussitôt que le non- prioritaire aperçoit un véhicule dans le miroir, il doit se méfier et avancer en utilisant la méthode du « tâtonnement ». Tel était le cas en l’espèce. Le recourant a vu un véhicule dans le miroir. Il devait donc lui céder la priorité.

En revanche, le TF admet partiellement le recours de X sur la question de la faute grave au sens de l’article 90 al. 2 LCR. Objectivement, la faute était certes grave, mais il faut encore que subjectivement le conducteur ait été conscient du caractère dangereux de son comportement et/ou qu’il n’ait pas pris en compte le fait qu’il mettait en danger les autres usagers. Or sur ce point (aspect subjectif) les instances judiciaires cantonales ne disent rien. Elles devront donc encore se prononcer à ce sujet.

ATF du 5 décembre 2017 6B_1300/2016 destiné à publication

Notre commentaire :

Cet arrêt n’est évidemment pas critiquable en tant qu’il relativise fortement la fiabilité des miroirs placés aux intersections. Ces miroirs n’ont qu’une « valeur négative » : si un véhicule y apparaît, la voie prioritaire n’est plus libre. Dès cet instant, le non-prioritaire doit avancer en tâtonnant. Les miroirs n’ont pas de « valeur positive » dans le sens que la vue sur le miroir permettrait au non-prioritaire de prendre une décision de s’élancer ou non. La vitesse du prioritaire semble ne jouer qu’un rôle insignifiant.

De plus, il n’y a pas « compensation des fautes » en droit pénal : la vitesse excessive du prioritaire ne supprime pas la faute du non-prioritaire.

Cependant, à notre avis, la solution est inverse si, à l’instant où le non-prioritaire prend la décision de se lancer, aucun véhicule n’est visible dans le miroir, par exemple en raison d’une courbe se situant un peu plus loin  sur la route prioritaire. Dans cette hypothèse, si la collision a lieu tout de même, nous pensons que le non-prioritaire ne commet aucune faute et que la cause unique de cette collision est la vitesse excessive du prioritaire. Il est d’ailleurs facile, même après coup, de mesurer la distance entre le point le plus éloigné de la voie prioritaire visible dans le miroir et l’endroit du débouché, pour déterminer, compte tenu de la vitesse du prioritaire, durant combien de secondes celui-ci était visible par le non-prioritaire.

 

 

 

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