Coup de poing rageur contre une paroi : quelle assurance paie pour la blessure ?

Un technicien d’entretien, dans un moment de stress ou de rage, donne un coup de poing contre la paroi d’un train et se blesse à la main. Il y a lésion à un tendon du petit doigt. L’assurance accidents refuse toute prestation, la lésion étant à son avis « intentionnelle » : ce serait, à son avis, à l’assureur maladie (CSS) de payer.

Celui-ci ne l’entend pas de cette oreille et fait recours auprès du Tribunal cantonal zurichois contre la décision de l’assureur accident. Il y a donc un litige entre l’assurance accidents et l’assurance-maladie.

Le TC zurichois donne raison à l’assurance-maladie : le cas doit  être pris en charge par l’assurance accidents (il s’agissait ici d’AXA). En effet, à aucun moment l’assuré n’aurait eu l’intention de se blesser. Il ne l’a même pas envisagé (ce qui permettrait d’admettre une sorte de « dol éventuel » assimilable à une intention). Il a agi de manière incontrôlée.

Axa recourt au Tribunal fédéral (TF).

Dans ce recours, AXA fait valoir que ce n’est pas l’intention de se blesser qui compte, mais que l’intention doit affecter le geste lui-même. Or, le coup de poing contre la paroi a été intentionnel. Seule la blessure ne l’était pas.

Le TF a manifestement hésité. On peut penser que tous les juges n’étaient pas d’accord entre eux, dès lors qu’ils ont organisé une audience publique de délibération, en date du 13 juin 2017. De plus, les questions ici soulevées avaient reçu diverses réponses dans la jurisprudence et la doctrine.

Ils sont parvenus à une solution donnant raison à l’assurance accidents AXA : elle ne doit pas prendre le cas en charge. Voici en résumé le raisonnement du TF :

Lorsque dans un mouvement de rage un assuré fait en geste malheureux et bute sur un obstacle auquel il ne s’attendait pas, c’est un accident. En revanche, s’il tape volontairement contre une paroi qui se trouve à sa portée, il a — précisément — la volonté (même si elle est très rapide) de donner un  coup contre cette paroi. Et l’assuré l’a fait ici de manière particulièrement violente, puisqu’il s’est blessé. Il aurait pu et dû s’imaginer que son petit doigt, organe assez fragile, pourrait en subir des conséquences. Il n’y a pas lieu de traiter différemment celui qui veut un résultat négatif (blessure) et celui qui ne veut pas ce résultat, mais en accepte l’éventualité. Il n’y a pas lieu de « privilégier » — en faisant payer la communauté des assurés contre les accidents — des actes insensés, comme celui de donner un violent coup de poing contre un mur. AXA se voit attribuer en outre Fr. 3’000.- de dépens à charge de l’assurance-maladie.

ATF 8C_555/2016 du 13 juin 2017 destiné à publication

Notre commentaire :

On peut d’une certaine façon comprendre cette jurisprudence : en principe, tout ce qui est « volontaire » n’est pas un accident.

Néanmoins, les hésitations qu’a eues le TF en organisant une délibération publique sont tout aussi compréhensibles, car il est difficile d’admettre que, dans un instant de rage, incontrôlée, l’assuré « veut » véritablement quelque chose ou « envisage ou doit envisager le risque » de se blesser. À notre avis, ce cas est bien différent de celui d’une blessure causée par un « défi stupide » : en faisant de tels défis, l’assuré a le temps de faire jouer une certaine volonté (à moins que celle-ci doive être exclue pour d’autres raisons comme l’alcool ou la drogue).

On aurait donc pu argumenter différemment en faveur de l’assuré, en disant que, précisément, un geste incontrôlé de « rage » ou de « stress » enlève à l’assuré sa volonté ou son bon sens, ne serait-ce que pendant un court instant. Il y a temporairement — même si c’est très bref — absence de discernement, donc de volonté. Or, s’il n’y a pas de volonté, il n’y a pas non plus d’intention ou de dol éventuel. Mais il aurait alors fallu que cet élément fût plaidé, ce qui ne ressort pas de l’arrêt.

 

 

 

 

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