Si l’assuré exagère ses troubles, cela exclut-t-il automatiquement une rente ?

Un ouvrier, souffrant du genou, dépose sans succès une demande de rente en 2007. L’office AI ne lui reconnaît qu’un degré d’invalidité de 27 % en 2009. Cet assuré dépose une nouvelle demande en 2013, et l’office AI procède à une expertise pluridisciplinaire. Cette expertise n’attestant pas une véritable invalidité, l’office AI décide que la situation n’a pratiquement pas changé (nouveau degré d’invalidité : 26 %) et que les prestations sont encore une fois refusées. Recours de l’ouvrier, sans succès, au Tribunal administratif de Berne. Finalement, il recourt au Tribunal fédéral (TF).

Cette affaire donne TF l’occasion de poser le principe suivant (selon le résumé en français paru dans SVR3/2017 IV Nr. 21,  p. 56) : Une limitation de la performance due à une tendance de l’assuré à aggraver sa situation n’exclut une atteinte à la santé assurée que dans la mesure où, dans le cas concret, une évaluation médicale crédible apporte de véritables indices d’exagération. Il faut que les limites d’un simple comportement démonstratif soient indubitablement dépassées, sans que cela soit dû à un trouble psychique indépendant ayant caractère de maladie.

En l’espèce, le TF relève que les douleurs évoquées, empêchant la fonction normale du genou, ne peuvent être suffisamment expliquées par l’atteinte somatique, orthopédique. Mais cela ne suffit pas à faire admettre une tendance à l’exagération propre à exclure des prestations («eine anspruchshindernde Aggravation »). Peu importe que les chaussures soient usées de manière symétrique. Peu importe aussi que l’on puisse douter de la compliance médicamenteuse. Aucun des médecins impliqués n’a constaté qu’une tendance à l’exagération était à l’avant-plan ; néanmoins, il faudra analyser la gravité de telles tendances, dans le cadre de l’appréciation globale (cons.4.4)

Malgré ce considérant a priori favorable à l’assuré, le TF débouche sur une solution de confirmation du refus de rente. Se fondant sur sa nouvelle jurisprudence 141 V 281, le TF relève que même le médecin traitant a estimé que les douleurs ne limitaient la capacité de travail que de 20 % environ. Le trouble douloureux doit être apprécié en examinant le handicap de la personne assurée dans le domaine social, professionnel et dans d’autres activités. Ici, la description allait dans le sens d’une «  vie normale », avec des promenades plusieurs fois par jour. Il n’y avait pas de comorbidité psychique. L’environnement familial était normal. Dans le cadre de cette appréciation globale, les douleurs n’étaient pas assez graves, même selon les indicateurs standard découlant de cette nouvelle jurisprudence, pour justifier des rentes. Par substitution de motifs, le refus de rente est confirmé.

Arrêt 9C_154/2016 du 19 octobre 2016, non publié au Recueil officiel

Notre commentaire :

On constate donc que le TF procède en deux temps. Dans un premier temps, il examine ce que disent les experts sur les tendances exagératives de l’assuré. La présence de telles tendances, qui augmentent les douleurs ressenties, ne suffit pas à entraîner un refus des prestations. Mais dans un second temps, ces tendances sont examinées pour elles-mêmes, au regard de l’ensemble de la documentation médicale, en prenant en compte l’environnement social et professionnel de l’assuré et son histoire. Cette jurisprudence est donc subtile, mais pas toujours facile à appliquer. Nous dirions en tout cas qu’à la suite d’un accident grave et impressionnant, avec plusieurs séquelles somatiques, propres à entraîner les douleurs indiquées,  il est difficile d’écarter a priori un droit aux prestations sous prétexte d’une tendance à l’exagération quant à l’intensité de ces mêmes douleurs. Ici, le TF a pu s’appuyer sur le caractère somme toute peu grave de l’atteinte au genou et sur le fait que le psychiatre traitant lui-même n’avait admis que 20 % d’invalidité psychique.

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