Incapacité de travail et chômage : le TF clarifie

A., grutier, est victime d’un accident en mars 2010. Il touche des indemnités journalières — avec de grandes interruptions — jusqu’au 31 juillet 2013. Il subit en 2012 des opérations destinées notamment à enlever le matériel d’ostéosynthèse.

Au moment où il demande des prestations, soit en août 2013, l’assurance-chômage lui répond qu’il n’a pas cotisé pendant le délai cadre de deux ans ayant précédé ce chômage. Il fait cependant valoir que pendant tout le temps où il a reçu des indemnités journalières de l’assureur accident (Suva) il était dispensé de cotiser, sur la base de l’article 14 LACI. L’assurance-chômage se prévaut cependant de la possibilité qu’aurait eue l’assuré d’exercer une activité de substitution — puisqu’il était admis que cette activité de grutier lui était définitivement impossible. Le litige portait donc sur le rapport entre l’incapacité de travail et l’obligation, respectivement la dispense, de payer des cotisations. En instance cantonale, l’assuré se voit entièrement débouté : il ne peut faire valoir une dispense de cotisations et ne remplit donc pas les conditions du délai-cadre. L’assuré recourt au TF.

Le TF considère que l’on a manifestement affaire ici à une question de principe, à savoir le lien de causalité entre la non-réalisation du délai-cadre et le motif de libération des cotisations. Il faut, rappelle le TF, que l’empêchement de cotiser, dû à une atteinte à la santé ait duré au moins 12 mois. Suffit-il que l’assuré touche des indemnités journalières de la Suva pour que l’on puisse considérer qu’il est ainsi dispensé de cotisations durant le délai-cadre ?

Pour bien comprendre, il est nécessaire de rappeler les articles 13 et 14 LACI :

« Art. 13  Compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l’assuré: (…)est partie à un rapport de travail, mais ne touche pas de salaire parce qu’il est malade (art. 3 LPGA) ou victime d’un accident (art. 4 LPGA) et, partant, ne paie pas de cotisations « 

« Art.14 Sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9, al. 3) et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, pour l’un des motifs suivants (…)maladie (art. 3 LPGA1), accident (art. 4 LPGA) ou maternité (art. 5 LPGA), à la condition qu’elles aient été domiciliées en Suisse pendant la période correspondante » 

le TF constate que durant le délai cadre du 19 août 2000 11 au 18 août 2013, l’assuré n’a pas exercé une activité cotisante pendant au moins 12 mois. Il n’a donc droit aux prestations de chômage que s’il peut se prévaloir de l’exception liée aux conséquences de l’accident.

Or, pendant ces 12 mois, l’assuré a partiellement touché des indemnités journalières et l’assureur accident ne l’a nullement invité à exercer une activité de substitution. Certes, l’assurance-chômage ne connaît pas — contrairement à l’assurance accidents — un mécanisme de  » protection professionnelle  » (dans le sens du maintien de l’ancienne profession), mais l’assuré pouvait en l’espèce, selon les règles de la bonne foi, se fier à l’attitude de la Suva qui continuait à verser les indemnités journalières et qui, notamment dans l’attente de l’ultime opération, ne l’a pas invité à changer de profession. Par conséquent, l’assuré a bel et bien été dispensé de verser des cotisations durant le délai-cadre et il peut bénéficier de la protection de l’assurance-chômage. Son recours est ainsi admis.

Arrêt 8C_838/2014 du 29 septembre 2015 destiné à publication.

Notre commentaire :

Cet arrêt, qui mérite d’être approuvé, met en évidence la complexité des relations entre les différentes branches d’assurance sociale en Suisse. D’un côté, l’assureur-accidents verse ses prestations et admet ainsi une couverture durant des périodes d’attente notamment  d’une opération médicale ; d’un autre côté, l’assuré devrait dans le même temps exercer une activité de substitution… Il est vrai que l’assurance-chômage peut conditionner ses prestations à une recherche plus large d’emplois  la  » protection de la profession antérieure  » étant toute relative dans cette branche. Face à une telle contradiction, la bonne foi qui prévaut dans les relations entre l’assuré et les divers assureurs doit jouer pleinement son rôle, ce qui a été le cas ici.

 

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