Responsabilité du fait des produits : l’affaire de la pilule contraceptive Yasmine

 

Une jeune femme, alors âgée de 16 ans, s’est vu prescrire par son médecin la pilule contraceptive Yasmin, admise par « Swissmedic » sur le marché suisse. Les deux notices d’utilisation, celle destinée aux médecins et celle destinée à la patiente, ont également été approuvées par Swissmedic. Ces notices mentionnaient, de manière assez détaillée pour le médecin et de manière plus générale pour les patientes, les risques d’embolie et de thrombose.

Peu après l’absorption de cette pilule, la jeune femme a été victime d’une thrombose massive qui l’a laissée gravement invalide, totalement impotente et grabataire à vie.

Elle réclame des dommages et intérêts à la firme Bayer, fabricante du médicament. Deux assurances se joignent à elle.

Les tribunaux zurichois, puis le Tribunal fédéral, rejettent l’action.

Certes, la Loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits doit être appliquée en principe. De même, les tribunaux ne doivent pas s’écarter sans raison impérieuse de la Directive européenne de 1985 sur la responsabilité du fait des produits, parce que la loi s’inspire de cette Directive et qu’elle a ainsi valeur de  « reprise autonome du droit européen ».

De plus, le TF rappelle que la dangerosité d’un produit n’est pas d’emblée exclue par le seul fait qu’il a été homologué par l’autorité.

A lire cependant l’arrêt, il semble que le Tribunal fédéral n’ait pas du tout examiné cette question de dangerosité, ni ne se soit prononcé sur la mise en balance des avantages et des inconvénients de ce médicament. L’arrêt ne porte que sur la question de l’information. Le TF partage l’avis des autorités zurichoises selon lequel, pour un médicament délivré exclusivement sur ordonnance, c’est l’information donnée aux médecins qui est déterminante et non celle destinée aux patients. Or, ici, l’information destinée aux médecins mentionnait très clairement le risque de thrombose et d’embolie. Il aurait donc incombé au médecin, le cas échéant, de ne pas prescrire cette pilule.

Pour faire bonne mesure, le TF refuse l’assistance judiciaire à la jeune femme en considérant que son recours était d’emblée voué à l’échec. Néanmoins, il renonce à percevoir des frais de justice parce que l’examen de la question posée ne lui aurait pas demandé beaucoup de travail.

 

ATF 4A_365/2014 et 4A_371/2014 du 05.01.2015

Commentaire :

Cet arrêt est évidemment désastreux pour la jeune femme, sur le plan humain. Il laisse aussi un goût d’inachevé : à partir de quel moment un produit doit-il être considéré comme « dangereux pour la santé des consommateurs » ? L’arrêt ne dit rien à ce sujet. Pourrait-il y avoir en outre un procès contre Swissmedic ? Était-il indispensable de laisser le produit sur le marché, alors que d’autres pilules sont moins dangereuses ? On n’en sait rien.

Alors que la firme Bayer a été condamnée à des millions de dommages et intérêts aux Etats-Unis, elle s’en tire en Suisse de manière particulièrement favorable. Dans ces conditions, le fait d’avoir renoncé aux dépens de l’instance cantonale par fr. 120’000.- ne constitue pas pour elle un grand sacrifice…

 

 

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