Lésion à la coiffe des rotateurs de l’épaule : accident ou maladie ? Toujours le difficile art. 9 OLAA !

Un coiffeur indépendant est assuré en LAA. Il chute à skis le 23 janvier 2010 et le médecin diagnostique une probable rupture partielle de la coiffe des rotateurs à droite. Le coiffeur se voit attester une incapacité totale de travail durant 1 semaine. Quelque 3 mois plus tard, un examen par résonance magnétique (IRM) révèle une déchirure complète avec rétractation et atrophie. Il y avait ainsi une forte atteinte antérieure à l’accident, mais sans symptôme gênant pour ce coiffeur. Se prévalant de cet état antérieur,  Helsana décide de stopper ses prestations au 30 avril 2010 : dès cette date, l’accident ne jouerait plus aucun rôle dans le handicap qui subsiste (douleurs et impotence fonctionnelle du bras droit). L’assuré fait recours à la Cour vaudoise des assurances sociales (CASSO), qui , appliquant l’art. 9 OLAA (qui assimile une déchirure de la coiffe des rotateurs à un accident même sans qu’il y ait action extérieure violente), lui donne raison et annule cette décision Helsana. Mais celle-ci fait recours au Tribunal fédéral (TF).

Notre Haute Cour rappelle que l’art. 9 OLAA vise à avantager l’assuré victime d’une telle rupture de la coiffe : vu la difficulté de déterminer si elle est due à l’accident ou à une état maladif antérieur, l’assureur LAA doit fournir ses prestations même en présence d’un état maladif antérieur qui serait la cause principale de cette rupture. Donc, en principe, cet art. 9 OLAA conduirait bien à l’admission du cas en assurance-accidents. Mais le TF écarte cette disposition par une considération quelque peu inattendue dans ce contexte : l’art. 9 OLAA suppose, selon cette autorité, que ce soit bien la rupture elle-même qui entraîne le cortège des séquelles (douleurs, perte de mobilité etc) ; or, ici, il n’y a pas de continuité des séquelles, car  les douleurs se sont atténuées dans un premier temps, permettant une reprise du travail à 50%. Ces douleurs ne sont réapparues que plus tard, à un moment où elles ne pouvaient plus être mises en relation avec la rupture de la coiffe. La causalité ne doit pas être examinée à l’aune de l’art. 9 OLAA – favorable aux assurés – mais selon les principes généraux de causalité. Or, ici, la chute à skis n’est que la cause possible du problème, mais pas sa cause probable. C’est donc à juste titre qu’Helsana a supprimé ses prestations à compter du 30 avril 2010 ; son recours est admis.

ATF 8C_714/2013 du 23 juillet 2014

Notre commentaire

Cet arrêt ne saurait être approuvé. Il utilise une subtilité – à vrai dire difficilement compréhensible –  pour éviter d’appliquer l’art. 9 OLAA : si, durant quelques semaines, les douleurs ont cessé, l’assuré ne pourrait plus se mettre au bénéfice de cette disposition favorable (en ce sens qu’elle écarte d’avance l’objection de « l’état maladif antérieur »). Ce que le Conseil fédéral a voulu en adoptant l’art. 9 OLAA, c’est justement de privilégier ces ruptures de tendons ou de coiffe des rotateurs, en les faisant couvrir par l’assurance accidents obligatoire, pour éviter d’interminables discussions sur la causalité. Ici, l’assuré avait certes eu une amélioration durant quelques semaines, mais cette circonstance n’exclut en rien le bénéfice de l’art. 9 OLAA. D’ailleurs, la capacité de travail n’avait pas été entièrement récupérée, puisque durant ces semaines elle n’était que de 50  %. De plus, l’assuré avait travaillé à 100% avant l’accident : son état antérieur ne le gênait nullement, et l’esprit de l’art. 36 LAA (« En réduisant les rentes, on ne tiendra pas compte des états antérieurs qui ne portaient pas atteinte à la capacité de gain ») est  dans le même sens . Il y avait donc bien, malgré cette petite « rémission » des douleurs, une continuité des séquelles au moins quant à la capacité de travail. Reste que, si l’état antérieur est dû à la position particulière que doit adopter le coiffeur, celui-ci pourra éventuellement faire valoir la maladie professionnelle (assimilée à un accident), ce que réserve le TF lui-même. Néanmoins, cet arrêt montre à notre avis que trop de subtilité  juridique heurte bien souvent le sens commun, voire celui de la loi …

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