Expertises en assurance sociale : quand le TF peut-il être saisi en cours de procédure ?

Le Tribunal des assurances sociales de Saint-Gall (SG) a admis le recours d’un assuré AI qui contestait une expertise d’un COMAI (Centre d’Observation Médicale de l’AI) et décidé de renvoyer le cas à l’AI elle-même pour une nouvelle expertise. L’Office AI, lui, ne veut pas s’en charger – ces expertises sont coûteuses – et préférerait une expertise judiciaire (à charge du Canton de SG). Il recourt donc au TF contre cet arrêt SG.
Le TF se demande – ayant jusqu’ici laissé la question ouverte – si ce recours, portant sur un simple arrêt de renvoi à l’AI est ou non recevable. Il réunit ses deux Chambres pour en discuter, et déclare finalement irrecevable le recours de l’AI.

En effet, dit le TF, l’AI ne subit pas, du seul fait qu’il doit se charger de ce complément d’instruction, un préjudice irréparable (ce qui est la condition pour recourir au TF contre une décision ne mettant pas fin au litige). Il en a tout au plus un inconvénient. De plus, l’AI n’est pas vraiment une partie au litige ; elle a plutôt un caractère d’administration neutre. L’assuré est de surcroît mieux protégé si, pour l’expertise, on repart « tout en bas » (devant l’Office AI plutôt que devant le Tribunal cantonal), car cela lui donne une instance de plus. Le TF rappelle aussi qu’il a précisé sa jurisprudence sur les expertises, dans le sens de droits meilleurs pour les assurés (137 V 210). Et si une décision de renvoi à l’Office AI ne cause aucun préjudice irréparable à celui-ci, c’est parce qu’il pourra prendre position – tout comme l’assuré – sur le résultat de cette expertise complémentaire, et qu’en dernière analyse le TF pourra ultérieurement, au moment du jugement final, en apprécier les qualités et les défauts, donc la « valeur probante ». Ainsi une absence de possibilité de recours au TF contre une telle décision de renvoi n’a rien de choquant.

ATF 9C_971/2012 du 13.02.2013, destiné à publication

Notre commentaire : On comprend la logique de cet arrêt, qui soulage le TF – notoirement surchargé – de nombre de jugements incidents. Le TF veut autant que possible statuer sur le fond, et non sur des décisions qui ordonnent ou refusent que des expertises aient lieu. Nous persistons cependant à critiquer l’ambivalence quant au rôle assigné par le TF (et rappelé dans cet arrêt) à l’AI : cette assurance peut-elle vraiment être neutre administrativement et en même temps partie à la procédure ? Les instances européennes (entre autres la Cour européenne des droits de l’Homme) ont de la peine à comprendre cela : car ces litiges AI ont à leurs yeux un caractère quasi civil, et l’AI ne peut qu’être une « partie au procès », dès l’instant où il y a lieu de veiller au respect de « l’égalité des armes » (art. 6 CEDH)…

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