Un agent général victime de sa propre compagnie d’assurances…

L’agent général de la compagnie d’assurances X a conclu — logiquement auprès de cette même compagnie d’assurance — un contrat collectif pour les employés de l’agence, contrat garantissant des indemnités journalières en cas d’incapacité de travail.

Pour le patron lui-même (l’agent général) il était prévu que les prestations ne seraient plus servies en cas de « renonciation » ou « cessation » (« Aufgabe ») de sa part à sa fonction d’agent général. En revanche, cet  agent général aurait eu, dans cette hypothèse, la possibilité de « passer en assurance individuelle », ce qui lui aurait permis d’obtenir la poursuite des prestations.

Tombé malade, cet agent d’assurance a revendiqué les prestations. La compagnie d’assurances a alors résilié le contrat d’agence générale, ce qui faisait tomber la police et supprimait les prestations.

L’agent général a alors actionné la compagnie X en faisant valoir qu’il fallait interpréter la « Aufgabe» comme couvrant uniquement la renonciation volontaire de sa part, mais non la résiliation du contrat d’agence générale par la compagnie. De surcroît, cette résiliation était abusive et injustifiée selon lui. Il a été débouté en instance cantonale et il recourt au Tribunal fédéral (TF).

Le TF rappelle à plusieurs endroits le caractère inadmissible d’une cessation des prestations d’assurance au motif que le contrat d’assurance a pris fin. Car cela va, dit-il,  à l’encontre des principes fondamentaux de l’assurance. Il n’est pas admissible qu’une compagnie puisse décider unilatéralement, en résiliant le contrat, de cesser ses prestations. De la même manière, on ne pourrait pas admettre qu’un assuré, par une simple déclaration unilatérale, veuille prolonger les prestations par rapport à ce qui était prévu dans le contrat.

Dans une situation de ce genre, l’assuré (l’agent général) aurait dû à tout le moins alléguer et même éventuellement prouver — quoique la preuve de cela soit extrêmement difficile — que le but de la compagnie X, en résiliant le contrat de l’agence générale, était d’échapper à son obligation de prester. Vu cette difficulté de preuve, la compagnie X aurait dû, face à une telle allégation,  démontrer que sa résiliation du contrat d’agence était motivée par d’autres raisons que celles d’obtenir la fin des prestations.

Autrement dit, c’est  pour d’autres motifs que l’instance cantonale que le TF , finalement, rejette le recours : ce rejet résulte du fait que l’agent général n’a pas choisi le bon terrain pour argumenter, en ne soulevant pas, ni en instance cantonale ni devant le TF, les motifs qui amenaient la compagnie à résilier contrat d’assurance collective.,

 

ATF 4A_472/2018 du 5 avril 2019

Notre commentaire :

Le TF a certainement tenu compte du fait que l’assuré n’était pas, ici, un « consommateur ordinaire », mais qu’il était lui-même agent général de la compagnie auprès de laquelle il était assuré. C’était donc un spécialiste de l’assurance. En cette qualité, il aurait dû se rendre compte que le litige aurait dû être centré sur les motifs pour lesquels la compagnie qui avait fait l’assurance collective avait mis fin à ce contrat. Or, l’agent général n’en a pas parlé, se limitant à discuter le point de savoir si la cessation d’activité visée par les conditions générales du contrat devait être volontaire ou non pour entraîner la fin des prestations. De plus, cet agent général a semble-t-il omis d’utiliser la possibilité de « passer en individuel », ce qui est difficilement compréhensible. Comme quoi il est décisif de bien choisir le thème du débat judiciaire…

Pour un assuré ordinaire, le plus important, dans cet arrêt, est que le TF réprouve une fois de plus (en confirmation de l’ATF 135 III 225)  les clauses permettant à une  compagnie d’assurances de décider unilatéralement,, via une résiliation du contrat d’assurance (individuelle ou collective) , de cesser ses prestations.

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