Accident atteignant une partie du corps déjà endommagée : le cas est-il couvert en assurance accident obligatoire ?

X est chauffeur de camion et, en même temps, directeur de son entreprise de transport. En tombant de son camion, il se blesse au genou. Une opération est nécessaire. À un moment donné, l’assureur accident Suva fait valoir que la blessure au genou n’est plus la cause principale de l’incapacité de travail : l’assuré souffrait en outre, bien avant l’accident, de surpoids, d’une déformation en varus (vers l’extérieur), ainsi que d’une atteinte au cartilage à cet endroit du genou. Ce sont désormais ces facteurs non accidentels qui prennent largement le dessus. L’assuré recourt au Tribunal cantonal, qui rejette ce recours. Il se tourne alors vers le Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité constate que l’opération nécessaire après l’accident, au ménisque, a favorisé l’arthrose du genou. Il y avait certes des facteurs défavorables indépendants de l’accident, mais celui-ci a constitué néanmoins une cause partielle de l’arthrose. Dès l’instant où l’accident est partiellement la cause de l’incapacité, cela suffit. On peut se référer à l’article 36 LAA :

«Art. 36 Concours de diverses causes de dommages

1 Les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident.

2 Les rentes d’invalidité, les indemnités pour atteinte à l’intégrité ainsi que les rentes de survivants sont réduites de manière équitable lorsque l’atteinte à la santé ou le décès ne sont que partiellement imputables à l’accident. Toutefois, en réduisant les rentes, on ne tiendra pas compte des états antérieurs qui ne portaient pas atteinte à la capacité de gain.» 

Le TF explique que le législateur a ainsi sciemment voulu déroger à un système de causalité stricte : cette disposition ne permet pas à l’assureur LAA de ne couvrir que partiellement les conséquences d’un accident, lorsqu’il y a un état antérieur. Cela ne vaut toutefois que lorsque la cause accidentelle et la cause non accidentelle (état antérieur) concernent la même partie du corps : dans ce cas, tout doit être couvert. En revanche, lorsque l’état antérieur affectait une autre partie du corps que celle touchée par l’accident, on ne retiendra alors que la partie touchée par l’accident, et l’invalidité engendrée sur cette partie uniquement sera alors appréciée pour elle-même. Si par exemple un assuré avait une atteinte à une jambe — tout en pouvant travailler à plein — et que, lors de l’accident, il se casse le bras, on évaluera uniquement les séquelles au bras, la jambe n’ayant pas été touchée, cela quand bien même, globalement, il y a une invalidité en raison du cumul jambe + bras. Si en revanche, lors de l’accident, il se casse la jambe déjà atteinte et que cette jambe provoque l’invalidité, on ne tiendra pas compte de l’état antérieur de ladite jambe, et toute l’invalidité sera couverte.

Le recours est donc admis et la cause est renvoyée à la Suva.

8C_172/2018 du 4 juin 2018

 

 

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