Deux courtiers successifs : lequel a droit à la commission ?

Un vendeur d’immeubles mandate le courtier n° 1 en vue de lui trouver un acquéreur. En 2006, le courtier présente un acquéreur potentiel, la société A. Par la suite, plusieurs discussions ont lieu quant au prix de l’objet, mais aucun accord n’est trouvé. Au printemps 2009, puis à nouveau en automne 2009 et encore au printemps 2010, le vendeur enjoint le courtier de ne plus rien faire. Il n’y a donc plus de mandat.

À fin janvier 2012, une nouvelle courtière intervient, prépare une nouvelle plaquette et propose cet immeuble à divers contacts. Parmi ceux-ci, la société A, qui répond qu’elle a déjà perdu assez de temps avec cet immeuble et qu’elle n’est plus intéressée par cet objet. La nouvelle courtière (n° 2) insiste, en expliquant qu’elle a des relations privilégiées avec le vendeur. Finalement, la vente se réalise en automne 2012, l’acquéreur étant une société du groupe A.

Le courtier n° 1 revendique alors sa commission pour Fr. 1’296’000.-, que le vendeur refuse de payer. Le tribunal de première instance lui donne tort : il ne subsistait plus aucun lien entre son activité, quelques années auparavant, et la vente, réalisée sur d’autres bases. Il perd également en appel et recourt au Tribunal fédéral (TF)

Le TF rappelle la nécessité — pour le courtage de négociation ici en cause mais non pour le courtage de simple indication — d’un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision de l’acquéreur d’acheter (4A_213/2017 du 27 octobre 2017). Ce lien peut subsister malgré la rupture des pourparlers. Mais si les efforts du premier courtier n’ont abouti à aucun résultat et que les pourparlers consécutifs à cette activité ont été définitivement rompus, l’affaire étant finalement faite certes avec le premier intéressé, mais sur des bases toutes nouvelles, ce lien n’existe plus. Il est vrai cependant qu’on est ici en présence d’un simple courtage d’indication, car le courtier n° 1 n’avait pas pour mission de convaincre l’acquéreur. Cela suffit-il à justifier la commission de ce courtier ?

Le TF constate que si la nouvelle courtière (n° 2) n’était pas intervenue, l’affaire ne se serait pas faite. L’acquéreur avait décidé de ne plus s’intéresser à cet objet. Cette volonté négative était même un obstacle au travail de cette courtière n° 2, qui a dû le surmonter grâce à ses liens privilégiés avec le vendeur et à son travail de persuasion, reprenant tout à zéro. Les bases de la nouvelle négociation étaient aussi différentes, tout comme le prix de l’objet. Il y a donc eu 2 périodes très distinctes. L’indication donnée par le courtier n° 1 n’a plus joué de rôle. Le recours est rejeté.

4A_153/2017 du 29.11.2017

Notre commentaire :

La situation est toujours délicate lorsqu’il y a courtages successifs. Elle l’est encore davantage si les deux courtages ne sont que « d’indication » et non de « négociation ». Toutefois, si le premier courtage est uniquement « d’indication » alors que le second courtage est « de négociation », l’enseignement de cet arrêt est qu’on admettra plus facilement la rupture du lien de causalité entre l’activité du premier courtier et la vente. Ce qui est finalement décisif, c’est de savoir ce qui se serait passé si le second courtier n’était pas intervenu : l’immeuble aurait-il été vendu ou non ? Si la réponse est négative, on comprend que le second courtier puisse empocher seul la commission. De plus la chronologie a joué ici un rôle important, plusieurs années s’étant écoulées entre les deux courtages.

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