Décès d’un concubin : interprétation d’un règlement de prévoyance professionnelle peu clair

Un assuré, divorcé depuis trois ans, vivait cependant depuis de longues années avec sa partenaire. Le règlement de la caisse de pension prévoyait que, pour recevoir une rente de survivant, le ou la partenaire devait vivre depuis au moins cinq ans en ménage avec l’assuré, et qu’aucun des deux ne devait être marié. Apparemment, ces deux conditions étaient remplies au moment du décès de cet assuré : il n’était plus marié (puisque divorcé depuis trois ans) et il avait bien vécu plus de cinq ans en ménage avec son amie.

En instance cantonale (Bâle-Ville), cette amie avait obtenu gain de cause : elle avait droit à une rente de survivante. Mais la caisse recourt auprès du Tribunal fédéral (TF).

Pour la caisse recourante, le règlement était clair : l’exigence d’être non marié s’appliquait à toute la période du concubinage. Au contraire, pour la survivante, il suffisait qu’aucun des deux partenaires ne soit marié au moment où est survenu le cas d’assurance, c’est-à-dire au jour du décès.

Le TF expose tout d’abord que, dans le cadre de la loi, les caisses sont libres d’adopter les règles qu’elles entendent au sujet des rentes de survivants pour couples non mariés (de même sexe ou de sexe différent). Pour cette autorité, le règlement est assez clair et n’a pas à être interprété au moyen de la règle applicable aux contrats d’adhésion, c’est-à-dire contre leur rédacteur. Il faut une interprétation simplement objective.

En l’occurrence, indique le TF, il ne peut y avoir une communauté de vie, au sens du règlement, que si les deux personnes ne sont pas mariées, et cela pendant toute la durée de cette communauté, mais au moins durant les cinq dernières années avant le décès. En effet, cette exigence de « non mariage » fait partie, dans le texte réglementaire, de la définition de la communauté de vie durant cinq ans. Ainsi, l’exigence d’une communauté de vie durant cinq ans n’est pas remplie si, moins de cinq ans avant le décès, l’un des partenaires était encore marié.

Par conséquent, l’action doit être rejetée. Tout l’avoir de vieillesse (du fait que l’assuré n’avait pas de descendants) reste définitivement acquis à la caisse.

ATF 9C_193/2017 du 27 octobre 2017

Notre commentaire :

À notre avis, cette décision est discutable. En effet, le règlement n’indiquait pas expressément que l’exigence de « non-mariage » ne s’appliquait pas seulement à la situation au moment du décès, mais qu’elle devrait s’appliquer à toute la durée du concubinage ou en tout cas aux 5 années précédant le décès. Un lecteur non particulièrement attentif pouvait, à notre avis, parfaitement comprendre le règlement dans ce sens. Finalement, le but du système est d’assurer une prévoyance vieillesse pour le partenaire. Si ce partenariat a duré longtemps (et largement plus de cinq ans avant le décès), le moment du divorce d’avec l’ancien conjoint est relativement aléatoire et on ne voit pas que cette date doive obligatoirement jouer un rôle quant aux droits du (nouveau) partenaire survivant. On ne peut totalement se défaire de l’impression d’une influence de « morale traditionnelle » dans cette affaire : il ne serait pas moralement recommandable de vivre en concubinage alors que l’on est encore marié… L’arrêt du tribunal bâlois nous paraît plus défendable que celui du TF.

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