Une infirmière de garde s’endort : le TF est sévère

 

Madame X a travaillé depuis plusieurs années, à la pleine satisfaction de son employeur, comme infirmière dans un service hospitalier psychiatrique, hébergeant des patients à risque. Alors qu’elle était de garde de nuit, elle s’est retirée, sans doute pour se reposer, dans un salon, dont elle a fermé la porte à clé, durant environ 1h30. Elle n’aurait pratiquement pas pu être atteinte en cas d’urgence. De plus, lors de l’enquête sur ce manquement, elle s’est arrangée avec une collègue pour prétendre, de manière contraire à la vérité, que ladite collègue la remplaçait ou, à tout le moins, viendrait l’avertir en cas d’urgence.

Pour l’employeur, un tel manquement justifiait un licenciement avec effet immédiat, donc sans indemnité.

L’infirmière ouvre action contre l’employeur pour un peu plus de Fr. 13’000.-de salaire et d’indemnités et elle obtient gain de cause en première instance et également devant la Cour d’appel civile vaudoise. Mais l’employeur recourt au Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité rappelle tout d’abord les principes et la jurisprudence en matière de licenciement immédiat :

Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour justes motifs est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 p. 304). Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2 p. 579). Par manquement, on entend généralement la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, mais d’autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 129 III 380 consid. 2.2). Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail, ou du moins propre à l’ébranler si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat (cf. toutefois la remarque de STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, 7e éd. 2012, p. 1098). Lorsqu’il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2 p. 579; 130 III 213 consid. 3.1; arrêt 4C.51/2006 du 27 juin 2006 consid. 2.1.1).  

Savoir si le comportement incriminé atteint la gravité nécessaire dépend des circonstances du cas concret (ATF 142 III 579 consid. 4.2; concernant des manquements graves pendant des veilles de nuit en établissement médico-social, cf. arrêts 4A_659/2015 du 28 juin 2016 et 4A_496/2008 du 22 décembre 2008). Il est donc difficile d’établir un catalogue de comportements susceptibles de justifier un congé immédiat. La commission d’infractions pénales, et notamment d’un vol au préjudice de l’employeur, constitue un cas classique susceptible d’autoriser un tel congé (cf. arrêts 4A_177/2017 du 22 juin 2017 et 4A_228/2015 du 29 septembre 2015 in SJ 2016 I 109, concernant des vols de peu d’importance). 

Dans son appréciation, le juge doit notamment prendre en compte la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, la nature et l’importance des manquements (ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354), ou encore le temps restant jusqu’à l’échéance ordinaire du contrat (ATF 142 III 579 consid. 4.2). A cet égard, l’importance du manquement doit être d’autant plus grande que ce laps de temps est court (arrêts 4A_625/2016 du 9 mars 2017 consid. 3.2; 4C.95/2004 du 28 juin 2004 consid. 2). La réserve est ainsi de mise lorsque le congé immédiat est donné dans le temps d’essai – qui se caractérise par la brièveté du délai de congé -, ou dans l’intervalle compris entre un congé ordinaire et l’échéance du contrat (STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, op. cit., p. 1125 n. 16). La position de l’employé, sa fonction et les responsabilités qui lui sont confiées peuvent entraîner un accroissement des exigences quant à sa rigueur et à sa loyauté. Cela peut valoir pour un cadre comme pour une caissière de supermarché (cf. ATF 130 III 28 consid. 4.1; 108 II 444 consid. 2b; arrêt précité 4A_177/2017 consid. 2.3; arrêt 4C.51/2006 du 27 juin 2006 consid. 2.2.3).

Le TF juge que le cas est grave : «On ne saurait mésestimer la gravité du manquement de l’infirmière, consistant à se réfugier dans un salon en retrait pendant une durée importante et à limiter les possibilités de contact au simple appel téléphonique, alors qu’elle avait la responsabilité de la garde de nuit d’un service comportant 17 patients affectés de troubles psychiatriques. Avant même que l’infirmière-cheffe ait émis le moindre commentaire, l’employée a immédiatement cherché à couvrir son manquement avec l’aide d’une collègue, en prétextant qu’elle prenait sa pause et qu’elle s’était fait remplacer. Cette attitude démontrait que l’employée avait saisi l’importance de son manquement; elle était aussi de nature à entamer encore davantage la confiance de l’employeuse ».

Dans ces conditions, le licenciement immédiat est justifié et le recours de l’employeur doit être admis.

ATF 4A_112/2017 du 30 août 2017

 

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