Une transaction déséquilibrée avec un assureur peut être remise en cause, en cas de contrainte exercée par l’assureur

Mme B., assistante dentaire, a bénéficié de plusieurs indemnités journalières pour incapacité de travail. L’assureur a eu des doutes sur la réalité de cette incapacité et a donc mandaté un détective pour surveiller l’assurée. Ce détective a observé l’assurée pendant environ trois mois et il a conclu que celle-ci avait largement exagéré ses symptômes. L’assureur a alors convoqué cette assurée et lui a mis en mains le marché suivant : « Nous renonçons en l’état à exiger un remboursement d’indemnités journalières que nous considérons avoir été payées à tort et nous renonçons à déposer contre vous une plainte pénale pour escroquerie à l’assurance ; de votre côté, vous payez les frais du détective (Fr. 6140 .-) et vous renoncez à exiger un solde éventuel d’indemnités journalières d’environ Fr. 26’000.- et, en outre, vous renoncez à votre droit à passer en assurance individuelle ». L’assurée a accepté de signer une transaction dans ce sens. Mais elle a ensuite consulté un avocat, qui a remis en cause cette transaction, à ses yeux totalement déséquilibrée. Via cet avocat, l’assurée a réclamé en justice l’annulation de la transaction, et demandé que ce soit l’assureur qui paie les frais du détective et qu’il lui verse le solde des indemnités journalières de Fr. 26’000.-. Le Tribunal cantonal (Bâle-Campagne) lui donne entièrement raison. L’assureur recourt au Tribunal fédéral (TF).

Celui-ci rappelle qu’une transaction vise avant tout à résoudre à l’amiable une situation peu claire, que ce soit sur les faits ou sur le droit. Par conséquent, même s’il se révèle ultérieurement que la situation ne correspond pas exactement à ce que les parties avaient envisagé au moment de signer la transaction, celle-ci ne peut pour autant être contestée ultérieurement. D’autre part, une menace (ici : menace d’une plainte pénale) amenant la partie adverse à transiger n’est pas illicite si elle est en relation immédiate avec le litige, ce qui était ici le cas. Il n’y a illicéité que si cette menace permet à la partie menaçante d’obtenir une transaction lui assurant des avantages excessifs. Et ces avantages ne doivent pas s’apprécier rétrospectivement (ex-post), mais on doit se placer, pour savoir s’il y a eu excès, au moment de la transaction. Or, ici,  il y a bien eu un excès, parce que l’assureur, dans le texte de la transaction, n’avait admis de renoncer à sa plainte pénale que « pour l’instant », se réservant même cette possibilité en cas de litige ultérieur. De plus, le Tribunal cantonal a admis que le détective n’a pas observé l’assuré lors de l’exercice d’un travail et qu’une incapacité de travail attestée médicalement existait bel et bien, de sorte que la menace de plainte pénale était manifestement excessive. L’assurée a ainsi été mise sous pression au moment de signer la transaction. Dès lors, le jugement cantonal qui annule cette transaction est valable et peut être confirmé.

TF 4A_78/2017 du 20 juillet 2017

Notre commentaire :

Cet arrêt doit être approuvé. Il retient en effet qu’une simple observation d’un détective, ne portant pas sur une activité professionnelle, ne suffit pas à contrer des avis médicaux attestant d’une incapacité de travail dans la profession assurée. De plus, cet arrêt met un sérieux  coup de frein aux menaces de plainte pénale pour escroquerie à l’assurance fréquemment agitées par les assureurs, en vue de contraindre les assurés à renoncer à leurs droits.

 

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