Procès de responsabilité civile : de nouveaux obstacles pour les lésés

Le Tribunal fédéral (TF) vient de publier un arrêt important, rendu après délibération publique (ce qui signifie que les cinq juges fédérales n’étaient pas d’accord entre elles).

Le demandeur avait subi un accident le 1er juillet 2003. L’assureur RC et lui ne s’étant pas mis d’accord sur l’indemnisation, un procès en responsabilité civile s’est engagé. Dans le but manifeste de savoir qui avait raison sur le principe et pour économiser des frais, le demandeur engagea une action partielle limitée à Fr. 30 000.- Il voulait ainsi bénéficier de la procédure simplifiée, moins chère, et qui profite aussi de l’assistance du juge. Il réclama donc uniquement son dommage pour la période du 1er juillet 2003 (date de l’accident) au 31 décembre 2012, réservant expressément des prétentions ultérieures.

L’assureur RC répondit par une action dite « négatoire de droit »(ou négative) : il voulait que le juge prononce non seulement qu’il ne doit pas les Fr. 30 000.- réclamés, mais encore qu’il ne doit pas un montant qu’il chiffrait lui-même à plus de Fr. 700 000.-.

Les deux instances cantonales furent d’avis qu’une telle action, dite reconventionnelle négatoire, n’était pas admissible et qu’elle privait indûment le demandeur de cet avantage d’une procédure simplifiée. Par conséquent, ces instances cantonales n’entrèrent pas en matière sur l’action reconventionnelle de l’assureur. Celui-ci recourut au TF.

Le TF rappelle tout d’abord les particularités et les avantages de la procédure simplifiée. Cependant, il constate que la loi n’interdit pas expressément à la partie défenderesse à une action partielle d’’amplifier considérablement le procès en présentant une demande reconventionnelle d’un montant largement supérieur à Fr. 30 000.-. Autrement dit, ce qui n’est pas possible pour une action « normale » (par opposition à une action partielle) portant sur Fr. 30 000.- au maximum, par exemple dans un procès de droit du travail, devient au contraire possible à l’encontre d’une action partielle. Dès lors, les juridictions cantonales auraient dû entrer en matière sur les conclusions prises par l’assureur. Le recours de celui-ci est admis.

ATF 4A_576/2016 du 13 juin 2017, destiné à publication

Notre commentaire :

On s’est peut-être réjoui un peu trop tôt, lors de l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile au 1er janvier 2011, de la possibilité, pour les lésés lors d’un acte illicite, par exemple lors d’un accident de la route, d’éviter des frais de justice trop importants en faisant porter, dans un premier temps, la question litigieuse sur une valeur relativement modeste et, en cas de victoire, de réclamer le solde ultérieurement. Ainsi, en cas de défaite, les frais et dépens ne seraient pas trop élevés.

Avec ce nouvel arrêt, qui va évidemment circuler très rapidement dans les services juridiques des assureurs RC, ces actions partielles deviennent peu intéressantes : elles vont se heurter presque systématiquement à des conclusions reconventionnelles des assureurs, dites «négatoires de droit », la cause étant ainsi transférée à un tribunal différent de celui qui appliquait la procédure simplifiée. Les avances de frais sont plus élevées. La procédure est plus compliquée. En cas de défaite, les frais et dépens prennent eux aussi l’ascenseur. La justice civile, déjà très encombrée, n’en sort pas gagnante. Nous le regrettons.

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