Tentative de suicide : couverte ou non par l’assureur-accidents ?

A, âgé de 30 ans, se jette par la fenêtre, d’une hauteur d’environ 8 m. Il est grièvement blessé, souffrant notamment d’une tétraplégie complète. On trouve dans sa chambre une lettre indiquant en substance que personne n’est responsable de son acte et qu’il n’avait plus envie de vivre. L’assureur accidents refuse toute prestation au motif que l’assuré a provoqué lui-même, intentionnellement, ses atteintes à la santé. La Chambre des assurances sociales à Genève estime qu’au moment de l’acte, l’assuré n’avait pas sa capacité de discernement, au vu de son passé psychiatrique. Il n’a donc pas pu agir « volontairement ». Le cas doit être couvert. L’assureur recourt auprès du TF.

Le TF rappelle tout d’abord sa jurisprudence classique créant une distinction entre le suicide « raptus » et le suicide planifié (« suicide–bilan »). Seul le premier peut être, selon les circonstances, considéré comme commis en incapacité de discernement. Ici, on est plutôt dans le cadre d’un « suicide–bilan » : l’assuré explique par une lettre, cité en entier dans l’arrêt, l’échec de sa vie et il y annonce sa volonté d’y mettre fin. Reste toutefois le passé et le diagnostic psychiatriques. Plusieurs experts ont examiné le cas et il s’agit donc de dégager la vraisemblance prépondérante : y a-t-il ici prépondérance en faveur du suicide–raptus ou prépondérance en faveur du suicide–bilan ? Il est certain que le trouble dépressif et le trouble de la personnalité n’entraînent pas, en règle générale, une abolition de la capacité de discernement. Les médecins ne peuvent ici que faire des hypothèses. Ils n’ont pas, dans cette affaire, fait un choix clair en faveur de l’une ou l’autre des solutions. Par conséquent, on ne peut pas retenir comme prépondérante l’hypothèse d’un suicide–raptus, face à l’apparence d’un suicide–bilan. Le recours de l’assureur est ainsi bien fondé : l’assuré n’a droit à aucune prestation de l’assureur accident.

ATF 8C_175/2015 du 15 janvier 2016

Notre commentaire :

Cet arrêt peut paraître sévère pour l’assuré, spécialement au vu des lésions gravissimes qu’a entraînées la tentative de suicide. Néanmoins, il est dans la ligne de ce qu’a toujours décidé le TF en matière de suicide ou de tentative de suicide en assurance-accidents. C’est la capacité de discernement qui est présumée ; par conséquent, celui qui se prévaut de son incapacité de discernement doit le prouver ou à tout le moins, en assurance sociale, la rendre plus vraisemblable. Cétait ici particulièrement difficile pour l’assuré puisqu’il avait laissé une lettre — certes rédigée de manière bien approximative et témoignant d’un certain désordre mental — mais dont la teneur allait plutôt dans le sens d’un suicide planifié. Notons que dans d’autres cas le « suicide–raptus » a été admis ; dans d’autres cas, même la tentative de suicide n’a pas été retenue, la chute pouvant être accidentelle (mais on examine alors s’il n’y a pas lieu de réduire — et non de supprimer totalement — les prestations pour faute grave de l’assuré).

-commentaires (0)-

Publier un commentaire