Aller moins bien, c’est aller mieux ? Une jurisprudence du TF bien discutée…

Un assuré s’est vu attribuer trois quarts de rente AI avec effet depuis janvier 2004, en raison de douleurs chroniques au dos. À l’occasion d’une révision — qui est effectivement opérée par l’AI tous les deux ou trois ans — une expertise est effectuée en 2012 aboutissant à montrer qu’en plus du problème — inchangé — du dos l’assuré souffre d’une atteinte à l’épaule. Le tribunal cantonal argovien admet cependant que la rente AI doit être supprimée, malgré l’aggravation de l’état de santé, parce qu’il faut procéder à une nouvelle analyse complète de la situation actuelle (et non celle de 2004) et que cette analyse aboutit à la conclusion que, malgré l’aggravation, l’assuré peut encore travailler suffisamment pour ne pas dépendre de l’AI. L’assuré recourt au Tribunal fédéral.

Cette autorité, après avoir rappelé sa pratique selon laquelle, à l’occasion d’une révision, il faut une vraie modification des circonstances pour modifier la rente, rappelle également qu’une nouvelle appréciation d’un état de santé inchangé, quant à l’invalidité qui en découle, ne suffit pas pour une révision. En revanche, si cette modification de l’état de santé est constatée (amélioration ou péjoration), il faut alors apprécier à nouveau et de manière complète, c’est-à-dire sans être lié par les appréciations antérieures, le caractère invalidant de cet état de santé. En ce sens, les juges argoviens ont eu raison de reprendre cet examen. Même si le résultat peut paraître un peu bizarre (aggravation de l’état de santé et malgré tout suppression de la rente), il n’est pas critiquable. La rente peut effectivement être supprimée.

ATF 8C­­ 237/2014 du 21 janvier 2015, publié sous 141 V 9

Notre commentaire :

Bien évidemment, cet arrêt relativement curieux a suscité des commentaires, en particulier de Michael E. Meier dans la revue SZS/RDAS 2015 p. 473. En substance, cet auteur trouve que l’arrêt contient une contradiction interne, puisqu’il aboutit finalement — contrairement à ce que le Tribunal fédéral dit justement vouloir éviter — à une nouvelle appréciation, quant à l’invalidité, de l’état antérieur inchangé (ici : le dos). Nous partageons cette appréciation, d’autant que dans un arrêt encore postérieur, 9C_ 653/2014 du 6 mars 2015, le TF a confirmé sa pratique constante refusant, comme motif de révision de rente, une simple appréciation nouvelle d’un état de santé en substance inchangé. Néanmoins, il faut relever que cette jurisprudence peut aussi jouer en faveur des assurés qui se sont vu refuser précédemment une rente ou n’accorder qu’une rente faible : si, plusieurs années après, l’office AI entre en matière sur une révision, par exemple parce qu’il y a aggravation de l’arthrose, il devra alors aussi tenir compte des circonstances nouvelles parmi lesquelles l’âge plus avancé de l’assuré. Cela peut donc également jouer en faveur des assurés.

Adjonction de mars 2016 :
dans un arrêt du 4 mars 2016 (9C_899/2015), le TF a apporté une précision — que l’on peut éventuellement considérer comme une restriction de cette jurisprudence — en ce sens que certes une appréciation globale est opérée à l’occasion d’une révision, mais que si seul l’âge de l’assuré a avancé (entre-temps, l’assuré était proche de l’âge de la retraite), on peut tout de même se baser sur la situation antérieure en ce qui concerne la reconversion possible dans une activité de substitution, parce que cela fait de nombreuses années que l’assuré savait qu’il devait rechercher une telle activité.

 

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