Assurance d’indemnités journalières : assurance de somme ou assurance de dommages ?

Un garagiste indépendant s’assure pour des indemnités journalières en cas de maladie ou d’accident représentant Fr. 84’000 par année. La police indique qu’il s’agit d’assurance de somme. Toutefois, il est également mentionné dans les conditions générales — quelque peu en contradiction avec la mention d’assurance de somme — que la compagnie d’assurances couvre « les conséquences économiques d’une incapacité de travail due à la maladie ».

Alors qu’il était malade, donc au bénéfice des prestations d’indemnités journalières, ce garagiste a dû effectuer une période d’emprisonnement. Pour cette période, l’assureur refuse ses prestations en disant que l’assuré ne subit pas une perte économique en raison de la maladie, mais bien en raison de l’emprisonnement. De son côté, l’assuré fait valoir que s’il n’était pas emprisonné, il resterait néanmoins en incapacité de travail et que de toute façon la mention « assurance de somme » exclut que l’assureur puisse exiger la preuve d’une perte économique.

L’instance cantonale donne tort à l’assuré et considère qu’il s’agit bien d’une assurance de dommages : l’assuré n’ayant pas fait la preuve d’une perte durant la période d’emprisonnement, il n’a pas droit aux indemnités journalières.

L’assuré recourt au TF.

Cette autorité relève une contradiction dans la police, entre la partie principale qui mentionne « assurance de somme » et la clause des conditions générales qui parlent des « conséquences économiques ». Il juge que des accords individuels l’emportent sur les conditions générales. Cela va en direction d’une assurance de somme. De plus, les autorités cantonales se sont trompées en estimant que l’assuré avait lui-même reconnu qu’il faudrait prouver une perte économique, alors qu’il avait toujours dit le contraire dans sa procédure. Par conséquent, il s’agit bien d’une assurance de somme est, en principe, l’assuré a droit à des indemnités journalières même pendant sa détention. L’affaire est renvoyée en instance cantonale pour fixer ces prestations.

4A_38/2015 du 25 juin 2015

Notre commentaire :

De plus en plus, les compagnies d’assurances rechignent à établir des polices prévoyant des assurances de somme (sauf en cas de décès). Elles parviennent presque toujours à glisser dans les conditions générales une mention de « perte économique » pour donner à la police une « couleur » d’assurance de dommages. Or il est très difficile à certains professionnels, notamment à des indépendants, de prouver une perte économique et surtout de prouver l’ampleur de cette perte économique. À titre d’exemple, une étude d’avocat ne parviendra pas facilement à prouver une perte d’honoraires en cas de maladie : bien souvent, ce sont les associés de l’avocat malade qui font le travail ! Il faut donc faire attention : le seul fait qu’une somme soit mentionnée dans la police (par exemple : Fr. 300 par jour ou Fr. 84’000 par an) ne suffit pas à faire qualifier la police d’assurance de somme.

Ici pourtant, la police avait manifestement été « vendue » comme une police d’assurance de somme et, en invoquant l’argument de l’assurance de dommages, la compagnie d’assurances cherchait à tirer profit d’une sorte de « tromperie sur la marchandise ». Cela n’a certainement pas plu au Tribunal fédéral…

 

 

-commentaires (0)-

Publier un commentaire