SPECDO toujours : une importante critique médicale allemande à la jurisprudence du TF

A la demande de l’association d’avocats INDEMNIS, le Professeur Henningsen de Munich a rendu une expertise très détaillée (près de 40 p.) sur la jurisprudence SPECDO du Tribunal fédéral (TF), du point de vue de la science médicale, spécialement en psychiatrie.

On peut – dit-il – comprendre le désir du TF de départager, parmi  les affections sans “substrat organique”,  entre celles qui sont réellement invalidantes et donnent donc droit  aux prestations des assurances sociales et celles qui provoquent des troubles qui seraient, par une présomption légale,  réputés “surmontables par un effort exigible de volonté”.

Mais les bases scientifiques adoptées par le TF sont fausses. Les diagnostics psychiatriques habituels  (schizophrénie, dépression grave, etc. ) portent aussi sur des troubles non organiquement décelables, et pourtant, en principe, de tels patients psychiques ne sont pas d’emblée exclus des prestations. De plus, le TF a tort de grouper sous l’étiquette SPECDO des diagnostics aussi variés que :

– troubles somatoformes douloureux (TSO)

– fibromyalgie (maladie rhumatismale)

– sydrome de fatigue chronique / neurasthénie

– troubles dissociatifs de sensibilité ou de motricité

– séquelles de “coup du lapin”

– hypersomnie non organique.

Cet expert critique aussi la fameuse “présomption de surmontabilité par un effort exigible de volonté”. tout comme les considérations du TF sur la gravité des symptômes. Les “critères de Foerster”, que le TF applique systématiquement, ne sont pas appropriés, ce que …. Foerster lui-même ne cesse de souligner ! Dans chaque cas, qu’il s’agisse d’atteintes organiques ou non, il faut analyser soigneusement les effets de ces atteintes sur la capacité de travail.

Notre commentaire :

Cette expertise scientifique rejoint et renforce les critiques juridiques ou juridico-médicales déjà faites contre la jurisprudence actuelle SPECDO. Il faut donc espérer que le TF, à une prochaine occasion, se confronte à ces critiques et modifie ainsi sa jurisprudence.

 

Un tour de passe-passe statistique pourrait supprimer ou réduire des rentes AI et LPP

On sait qu’en Suisse le degré d’invalidité résulte d’un calcul économique : on compare le gain que l’invalide réalise (ou pourrait réaliser en utilisant au mieux sa capacité restante) avec celui qu’il obtiendrait s’il était en parfaite santé.

Si par exemple un assuré atteint de troubles neuropsychologiques (attention, concentration, mémoire, fatigabilité) réalise un revenu de 2’000.- par mois pour des travaux simples et répétitifs à 50%, et que, sans ces affections, il pourrait obtenir Fr. 5’000.-, dans son ancienne profession, sa capacité est de 40%, donc son degré d’invalidité est de 60% (= 3/4 de rente AI).

Le Tagesanzeiger du 11.11.2014 explique que l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) vient d’adopter une nouvelle statistique économique qui augmente tout à coup de 6,3%  (entre 2010 et 2012) les revenus théoriques des activités dites “simples et répétitives” de la catégorie 4 (quand bien même, dans la réalité, une telle augmentation n’a pas eu lieu, atteignant péniblement 1,8 % !). Ce salaire moyen ne serait plus de 4901.-, mais de 5’210.- (!). Donc, notre assuré, travaillant à 50%, pourrait réaliser non pas 2’000.-, mais 2’605.-, que l’on va comparer aux 5’000.- sans invalidité, ce qui donne une capacité de 52 % au lieu de 40 %, les 3/4 de rente étant ainsi réduits à  une demi-rente, sans que rien d’autre n’ait changé ! Pire : les statistiques étant basées sur 40 h. par semaine, on corrige encore ces montants vers le haut pour une durée moyenne de travail de  41,7 h., ce qui donnerait un revenu, en Suisse, de 5’431.-, toujours pour des activités simples et répétitives ! En réalité, pratiquement personne, en usine ou atelier, ne gagne de tels montants, s’il ou elle n’a pas des connaissances professionnelles spécialisées, voire un CFC (mais alors cette personne ne serait plus  dans la catégorie 4, la plus basse).

Et si l’assuré, dans notre exemple, fait valoir qu’il ne gagne pas effectivement les 2’605.-, mais seulement 2’000.-, on lui répondra que c’est tout simplement … parce qu’il n’utilise pas au mieux sa capacité restante…

Si un assuré touchait 1/4 de rente, celle-ci pourrait même être supprimée par le jeu de cette statistique complètement irréaliste.

Notre commentaire :

L’AI n’ayant pas réussi à diminuer  assez les dépenses en réduisant le nombre des nouvelles rentes ni en révisant les anciennes rentes à la baisse, ni non plus en réintégrant  suffisamment d’handicapés dans le marché du travail, voilà qu’elle cherche à atteindre ce but simplement par une statistique fausse et discutable. Il faut espérer que le TF n’acceptera pas cela, et comprendra qu’un  gain théorique de la catégorie 4 (travaux simples et répétitifs) n’est pas et ne peut pas se situer autour de 5’400.- par mois. En imposant à un invalide de réaliser un tel gain (pour un travail à 100%), on le prive en réalité des prestations d’une assurance pour laquelle il a cotisé toute sa vie.