SPECDO ou dépression ? Rôle réciproque de l’expert médical et du juge

Une ouvrière ajusteuse souffre de divers “syndromes sans pathogénèse ni étiologie claire et sans constat de déficit organique” (en abrégé : SPECDO). L’expert médical de l’AI constate aussi une dépression de degré moyen. On ignore si la dépression est causée par les douleurs SPECDO ou si c’est l’inverse (douleurs SPECDO causées par la dépression). Selon cet expert médical, l’état de la personne entraîne une incapacité partielle de travail, d’env. 40%.  La rente (1/4) est cependant refusée par l’AI, qui estime que le SPECDO n’est pas invalidant (il y a présomption que de tels troubles sont surmontables). L’assurée recourt au TC (SG), qui lui donne raison : l’affection psychique est établie, et dès lors le cas ne doit pas être soumis à la pratique restrictive applicable aux SPECDO. L’Office AI recourt au TF.

Cette autorité saisit l’occasion de cette affaire pour rappeler les rôles respectifs de l’expert médical et du juge. L’expert médical doit uniquement décrire les atteintes à la santé, poser le diagnostic, et indiquer en quoi ces atteintes limitent les activités de l’assuré. En revanche, il incombe à l’administration, et en cas de litige au juge, de décider du degré d’invalidité découlant de ces limitations.

Voici comment le TF décrit ce partage des rôles :

“3.2. Aufgrund dieser tatsächlichen und rechtlichen Gegebenheiten hat die Rechtsprechung seit jeher die Aufgaben von Rechtsanwender und Arztperson im Rahmen der Invaliditätsbemessung wie folgt verteilt: Sache des (begutachtenden)  Mediziners ist es erstens, den  Gesundheitszustand zu beurteilen und wenn nötig seine Entwicklung im Laufe der Zeit zu  beschreiben, d.h. mit den Mitteln fachgerechter ärztlicher Untersuchung unter Berücksichtigung der subjektiven Beschwerden die  Befunde zu erheben und gestützt darauf die  Diagnose zu stellen. Hiermit erfüllt der Sachverständige seine genuine Aufgabe, wofür Verwaltung und im Streitfall Gericht nicht kompetent sind (z.B. Urteil 9C_437/2012 vom 6. November 2012 E. 3.2). Bei der Folgenabschätzung der erhobenen gesundheitlichen Beeinträchtigungen für die Arbeitsfähigkeit kommt der Arztperson hingegen keine abschliessende Beurteilungskompetenz zu. Vielmehr  nimmt die Arztperson zur Arbeitsunfähigkeit Stellung, d.h. sie gibt eine  Schätzung ab, welche sie aus ihrer Sicht so substanziell wie möglich begründet. Schliesslich sind die  ärztlichen Angaben eine wichtige Grundlage für die juristische Beurteilung der Frage, welche Arbeitsleistungen der Person  noch zugemutet werden können (so die mit BGE 105 V 156 E. 1 in fine S. 158 f. begründete und in zahllosen Urteilen bestätigte Rechtsprechung, z.B. BGE 132 V 93 E. 4 S. 99 f.). Nötigenfalls sind, in Ergänzung der medizinischen Unterlagen, für die Ermittlung des erwerblich nutzbaren Leistungsvermögens die Fachpersonen der beruflichen Integration und Berufsberatung einzuschalten (seit BGE 107 V 17 E. 2b S. 20 geltende Rechtsprechung, vgl. Urteil 8C_545/2012 E. 3.2.1, nicht publiziert in BGE 139 V 28). An dieser Rechtslage haben die von der Vorinstanz relevierten Schlussbestimmungen zur IV-Revision 6a mitsamt Materialien, wonach Depressionen nicht in deren Anwendungsbereich fallen sollen (AB 2010 N 2117 ff., 2011 S. 39 f.), nichts geändert.”
Ici, le TF estime que les juges du TC SG ont outrepassé leur rôle : les médecins n’ont pas, à son avis, attesté d’une véritable dépression qui serait différente d’une simple réaction psychique au SPECDO et aux événements négatifs de la vie, et il résulte du dossier que la patiente ne se soigne pas vraiment pour cette dépression, de sorte que le caractère invalidant de celle-ci est douteux.
La rente accordée par le TC SG est supprimée.

ATF 9C_850/2013 du 12.6.2014, destiné à publication

Notre commentaire :

Le TF devient de plus en plus sévère en matière d’incapacité de travail psychique ou SPECDO pouvant conduire  à une rente. Voir aussi, affaire comparable, dans le même sens :  8C_822/2013 du 4 juin 2014.

Nous estimons que cet arrêt du 12 juin 2014, destiné à publication, ne clarifie pas vraiment les rôles respectifs de l’expert et du juge. En effet, l’expert doit continuer à donner son avis sur la capacité de travail, et le juge doit trancher la question, qualifiée de juridique, mais qui est en fin de compte aussi médicale, de la surmontabilité des troubles par un effort de volonté. Où est exactement la limite entre ces deux appréciations ? Et ici, le TF se mue quelque peu en psychiatre pour ce qui est de la dépression… Élément positif toutefois : il faut le cas échéant examiner concrètement les possibilités restantes de travail, via des spécialistes de l’intégration professionnelle.