Révisions SPECDO : un nouvel arrêt un peu restrictif

“Mme E., née en 1967,  se voit attribuer en 1997 une rente AI “SPECDO” (selon la définition du Titre final de la 6ème révision LAI, dont voici le texte) :

a.Réexamen des rentes octroyées en raison d’un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique (d’où notre abréviation “SPECDO”, n.d.r.))

1 Les rentes octroyées en raison d’un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique seront réexaminées dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification. Si les conditions visées à l’art. 7 LPGA56 ne sont pas remplies, la rente sera réduite ou supprimée, même si les conditions de l’art. 17, al. 1, LPGA ne sont pas remplies.

2 En cas de réduction ou de suppression de sa rente, l’assuré a droit aux mesures de nouvelle réadaptation au sens de l’art. 8a. Cela ne lui donne pas droit à la prestation transitoire prévue à l’art. 32, al. 1, let. c.

3 Durant la mise en oeuvre de mesures de réadaptation au sens de l’art. 8a, l’assurance continue de verser la rente à l’assuré, mais au plus pendant deux ans à compter du moment de la suppression ou de la réduction de la rente.

4 L’al. 1 ne s’applique pas aux personnes qui ont atteint 55 ans au moment de l’entrée en vigueur de la présente modification, ou qui touchent une rente de l’assurance-invalidité depuis plus de quinze ans au moment de l’ouverture de la procédure de réexamen.”

Mme E. a eu cette rente avec un effet rétroactif en 1995.  L’Office AI estime en 2012 que la rente n’a pas été “touchée” depuis au moins 15 ans et qu’elle est dès lors révisable. Le Tribunal cantonal lucernois juge au contraire, ce qui est favorable à l’assurée, que c’est la date de naissance de la rente, et non celle de sa première perception.

Le TF partage cet avis : sinon le point de départ des 15 ans serait aléatoire, car dépendant de la date du prononcé de rente. Ce qui compte, c’est la durée de l’invalidité elle-même.

A cette occasion le TF a aussi tranché une autre question : celle de la “surmontabilité” des troubles, lorsque l’assurée a un peu travaillé (dans le cadre de sa rente) . Autrement dit : ces 15 ans de rente protègent-ils aussi les assurés qui sont seulement partiellement invalides ? A cela le TF répond par l’affirmative, justement pour favoriser l’application du principe selon lequel la réadaptation prime la rente.

Enfin, le TF n’exclut pas une révision selon l’art. 17 LPGA, mais il faut pour cela une expertise médicale objective sur le potentiel de travail de la personne assurée, expertise qui faisait ici défaut.

Le recours de l’AI est donc rejeté.

ATF8C_324/2013 du 29.8.2013,  destiné à publication

Notre commentaire :

La solution était évidente quant aux 15 ans, et l’on s’étonne même que l’OAI ait défendu ce point de vue.

Mais l’arrêt met en évidence les problèmes qui ne manqueront pas de surgir lors de ces révisions SPECDO, à savoir de distinguer entre l’appréciation (supposée purement médicale et “objective” ) de la surmontabilité des troubles et l’appréciation juridique de cette même surmontabilité, qui doit se fonder sur ladite appréciation médicale …, tout cela en gardant à l’esprit qu’il faut une amélioration de l’état de santé, autrement dit que ce qui était à l’époque insurmontable soit devenu, malgré le long arrêt de travail,  surmontable…  Et un octroi trop généreux à l’époque ne peut pas être corrigé par une reconsidération … Le moins que l’on puisse dire est que cette 6ème révision, adoptée un peu dans l’urgence à la suite d’un ATF favorable aux assurés, est malheureuse et critiquée à juste titre. PhN.