Indemnités journalières : le TF revoit enfin sa jurisprudence sur la prescription !

On sait que jusqu’ici, le TF faisait partir le – bref, 2 ans, art 46 LCA – délai de prescription des indemnités journalières en assurance privée, qu’elle soit individuelle ou collective, du jour où, pour la première fois, après expiration du délai d’attente, étaient réunis les 2 éléments suivants :

– attestation médicale de maladie ou accident

– incapacité de travail.

Cette jurisprudence a été fortement critiquée. En effet, la durée des prestations est courte, en général 720 jours. Or, la santé et l’incapacité peuvent être fluctuantes.  Un exemple :

– début d’une maladie : 1er  janvier 2013 ; délai d’attente selon la police d’assurance : 30 jours

– début de l’incapacité due à cette maladie : 1er mars 2013 ; cette date était le début du délai de prescription de 2 ans

– fin d’une 1ère période d’incapacité : 1er juillet 2013

– l’assurance paie les indemnités journalières du  1er avril 2013 (vu les 30 j. d’attente) au 30 juin 2013 (3 mois).

– il y a ensuite rémission  jusqu’en avril 2015, où une 2ème période d’incapacité débute pour la même maladie ; selon l’ancienne jurisprudence, la prescription était intervenue au 1er mars 2015, de sorte que l’assuré n’aurait touché que 3 mois de prestations.

Le TF admet aujourd’hui de modifier cette jurisprudence. Il dit être conscient des fluctuations inévitables de l’état de santé et de la capacité de gain des assurés. Il distingue toutefois deux situations, selon les Conditions générales d’assurance :

– si ces CGA, pour le  paiement des indemnités journalières, laissent la compagnie d’assurance libre de les fournir ou non, indépendamment de ce que décideront les assureurs sociaux, la début du délai – global – de prescription est retardé jusqu’au moment où l’on est au clair sur l’obligation des assureurs sociaux (ou du tiers responsable)

-si au contraire les CGA statuent une obligation de la Compagnie  d’avancer ces indemnités journalières, chaque jour où les 2 éléments ci-dessus (atteinte médicalement prouvée et incapacité de travail) sont réunis constitue un nouveau point de départ (délai “fractionné” de prescription).

ATF du 15.7.2013 destiné à publication 4A_20/2013

Notre commentaire :

Enfin ! Il est mis un terme à cette jurisprudence absurde qui permettait qu’une créance soit prescrite avant même d’être née. En effet, si l’on  gardait un début unique et global du délai de 2 ans, des rémissions, fréquentes notamment pour certaines maladies comme la sclérose en plaques ou la maladie de Bechterew, faisaient que des incapacités survenant plus de deux ans plus tard ne permettaient plus d’exiger les prestations convenues. Cette évolution du TF fait aujourd’hui paraître comme d’autant plus critiquable la jurisprudence sur les “aiguilles de montre” ou sur l’amiante, où la maladie se déclare des décennies après la fin de l’exposition à la substance toxique, autrement dit à un moment où le droit est déjà prescrit…

Accident de circulation à l’étranger : le lésé peut en principe agir en Suisse contre l’assureur r.c. étranger

En cette période vacances, le problème se pose hélas souvent, du moins en Europe. Un Suisse est victime, à l’étranger, d’un accident causé par un conducteur allemand, français, italien, etc. Il subit, p.ex., des blessures graves ou même il décède.

Une action en justice peut-elle être intentée en Suisse (action directe contre l’assureur r.c. étranger du conducteur, étranger lui aussi ?

Le TF a clarifié cette question et il répond par l’affirmative, en s’appuyant sur la Convention de Lugano (tant l’ancienne que la nouvelle version) et sur la jurisprudence le la Cour de Justice de l’Union européenne. Il s’agit, dit le TF,  d’améliorer les droits de la partie structurellement la plus faible (la victime). Le TF précise cependant que le juge suisse appliquera le droit du pays en question, droit qui doit être invoqué et démontré  par la partie demanderesse.

ATF 4A_531/2011 du 2 mai 2012, publié sous 138 III 386

Accident collectif grave : le droit français au secours des victimes

Suite à la catastrophe au passage à niveau d’Allinges (Haute-Savoie), où un car d’écoliers était resté bloqué sur la voie du train, entraînant 7 morts et de nombreux blessés parmi les écoliers, ainsi que le suicide du maître de classe peu après, le Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, par un jugement désormais définitif, a condamné la SNCF et le réseau ferré français (RFF) à des amendes de 200’000.- euros et 400’000.- euros ainsi que des dommages-intérêts aux 232 parties civiles (53 victimes et leurs familles). Le chauffeur du car a également été condamné.

A cette occasion, le jugement a retenu la notion juridique d’ « accident collectif », qui est distincte de celle de catastrophe, et qui élargit les conditions d’indemnisation.

En outre, les parties civiles se voient reconnaître, en application d’une décision de la Cour de cassation de décembre 2010 à propos des victimes de l’amiante, un « préjudice d’angoisse ». Plus précisément, il s’agit d’un « préjudice d’attente ou d’inquiétude ». La Cour précise que ce préjudice spécifique découle « des longues heures pendant lesquelles les proches sont demeurés dans l’incertitude quant à la gravité des blessures ou l’indication de la structure hospitalière vers laquelle avaient été orientés leurs enfants, la nécessité de se rendre, en présence des médias, secouristes et enquêteurs, dans une chapelle ardente de fortune, pour certains un appentis où ont été alignés des corps d’enfants voués à une reconnaissance impossible ou insoutenable ».

En droit suisse, ce type de préjudice n’est pas défini de manière aussi spécifique. Il entre dans le « tort moral » au sens large. En tout cas, les schémas de tort moral dans des cas aussi tragiques devraient être élargis. Il faut ajouter que le droit suisse reconnaît aujourd’hui que si un proche est atteint psychiquement, sans avoir été lui-même impliqué dans l’accident, il peut, à certaines conditions, obtenir une indemnisation pour ce préjudice, voire des prestations en cas d’invalidité.

Référence : jugement du 26.06.2013 du Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, définitif et exécutoire

Source : Le Monde du samedi 3 août 2013

Salaire assuré en LAA, lorsqu’il est déjà réduit pour raisons de santé au moment de l’accident

X. est victime d’un accident mortel  le 6 août 2010. A ce moment-là, il ne travaillait qu’à 60% , étant atteint dans sa santé depuis 2007 déjà, mais ne recevant, en raison d’une annonce tardive, une rente AI que depuis très récemment.

La SUVA, assureur LAA, fixe la rente de veuve et d’orphelins sur la base du salaire effectif à 60% (Fr. 19’320) . X. obtient du Tribunal des assurances de Zurich que soit appliqué l’art. 24 al. 1 OLAA (permettant de ne pas tenir compte d’une réduction temporaire de salaire). Dès lors, les rentes doivent selon cette autorité être fixées sur la base du salaire normal à 100%, soit Fr. 48’059.-. La SUVA recourt au TF, ainsi amené à analyser la portée exacte de cet art. 24 OLAA.

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