Une personne qui gagnait très peu jusqu’ici peut-elle recevoir une rente d’invalide (invalidité précoce ?) ?

Mme B., née en 1972, est musicienne indépendante. Elle avait subi en 1996 un accident de vélomoteur qui lui avait laissé des séquelles. De plus, elle avait eu une enfance difficile et, sur le plan psychique, elle était « borderline ».  En raison de tout cela, elle n’avait pu acquérir de formation, et elle se contentait donc de cette activité musicale, qui lui convenait, mais  ne lui rapportait que 8’000.- par an environ.

Pour statuer sur la rente demandée, l’Office AI, suivi par le Tribunal cantonal de Zoug,  a considéré qu’elle pourrait – si elle le voulait bien – travailler à 50 % et gagner ainsi 25’000.- par an. Ainsi, le gain théorique d’invalide était même largement supérieur au gain de valide ! Une rente était exclue.

Mme B. recourt au TF.Cette autorité rappelle d’abord – avec force citations de jurisprudence – que l’exigibilité d’un revenu d’invalide est une question de fait qu’elle ne peut examiner, sauf si le juge cantonal l’a tranchée sur la base de son « expérience générale de la vie ».  Tel n’est pas le cas ici. Le revenu (théorique) d’invalide reste donc à 25’000, éventuellement 22’000 (pour tenir compte de certaines difficultés de l’assurée).

Mais quid du revenu de valide ? Reste-t-il à 8’000 (revenu de musicienne effectivement réalisé durant plusieurs années) ? Cela dépend du point de savoir si ce très faible montant ne résulte pas justement d’une invalidité ancienne, depuis l’enfance, qui a empêché l’assurée de suivre une formation et de gagner davantage (cas des invalidités précoces, art. 26 RAI). Les expertises allaient bien dans ce sens, et la cour cantonale a écarté cet argument de manière un peu rapide… Il aurait fallu – par une expertise judiciaire –  « creuser » la question des effets des troubles de la personnalité « borderline » sur sa carrière professionnelle. En d’autres termes, on a admis un peu vite que l’assurée avait en quelque sorte volontairement renoncé à un revenu décent, autrement dit uniquement pour des raisons de convenance personnelle.

Le recours est donc admis, en vue d’une expertise complémentaire sur ce point.

ATF 9C_555/2011 du 9.8.2012

Note : Pour que Mme B. puisse ensuite, le cas échéant, obtenir p.ex. une demi-rente, l’expertise demandée par le TF devra aboutir à la conclusion que c’est bien l’invalidité précoce  qui l’a empêchée de gagner normalement sa vie, et que sans ce handicap de jeunesse, elle aurait pu gagner au moins 44’000.- (auquel cas 22’000 comparé à 44’000 donne bien 50%).

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