Drame dû à la surveillance insuffisante d’un enfant de 4 ans

Les parents d’une petite fille âgée de presque 4 ans devaient aller faire des courses. Une voisine se trouvait chez eux, avec son enfant de 5 ans.  Les enfants jouaient ensemble à l’extérieur. La voisine s’offrit à surveiller les enfants chez elle. Pendant quelques minutes, où elle était occupée à autre chose, la fillette tomba dans la rivière et, n’ayant pu être sauvée qu’après 10 minutes environ,  subit de très graves lésions cérébrales qui la rendirent totalement invalide et dépendante (elle décéda à l’âge de 13 ans).

Les parents demandèrent 300’000.- fr. de tort moral à cette voisine et en obtinrent 200’000.- en 1ère instance. En recours cantonal, leur action fut rejetée et ils recoururent donc au Tribunal fédéral (TF).

Le débat portait tout d’abord sur la nature de l’engagement donné par la voisine de surveiller l’enfant : s’agissait-il d’un contrat (auquel cas la victime est favorisée, n’ayant pas le fardeau de la preuve qu’une négligence avait été commise) ou d’un simple service rendu (complaisance), auquel la responsabilité est dite « délictuelle », nécessitant, de la part de la victime, qu’elle fournisse la preuve de la négligence ?

Le TF tranche, avec le Tribunal cantonal, pour un simple service rendu. En effet, la voisine s’était proposée de garder les enfants uniquement pour rendre servce aux parents.  Cela n’était pas rémunéré, donc pas dans son intérêt. De plus cette garde était purement occasionnelle. Les parents devaient donc prouver la faute commise par cette voisine.

Dans la 2ème partie de l’arrêt, le TF se penche sur le devoir de vigilance. C’est, dit-il, une question de droit. Pour les actes de pure complaisance, contrairement aux contrats,  il ne faut pas être trop sévère. Si les enfants jouent dans un milieu familier, il n’est pas nécessaire qu’il soient constamment sous le regard de la personne qui les surveille. Tel était ici le cas. Ainsi, la preuve de la négligence n’est pas fournie, et l’action doit être rejetée.

ATF 4A_275/2011 du 20 octobre 2011, destiné à publication.

Notre commentaire :

Cet arrêt est extrêmement dur pour les parents, dont l’enfant est rendu invalide, puis décède quelques années plus tard, alors que l’accident a eu lieu dans la sphère de la personne qui devait la surveiller. Certes, on a bien affaire ici à un acte de complaisance d’une voisine serviable.  Mais tout de même : l’accident était-il vraiment imprévisible ?  La rivière coulait à proximité et la voisine devait bien se douter que les enfants pourraient s’y rendre. Il y avait danger immédiat. La surveillance peut bien sûr, en règle générale,  être ponctuelle, mais pas si les enfants peuvent à tout moment s’échapper pour aller sur la route ou vers un autre endroit dangereux. Dans ce cas, nous estimons qu’une surveillance de tous les instants est nécessaire, à moins que l’endroit où jouent les enfants soit fermé par une clôture infranchissable à leur âge, ce qui ne paraissait pas être ici le cas (le TF donne très peu de détails à ce sujet).

Autrement dit, il nous semble que la négligence est ici réalisée, même s’agissant d’un acte – au départ – de pure serviabilité.

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