“Coup du lapin” en assurance sociale : une jurisprudence plus sévère ! !

Jusqu’ici, la victime d’un traumatisme cervical (très souvent causé par une collision par l’arrière)  avait droit, en cas d’invalidité, à une rente de l’AI et de l’assureur LAA.

L’invalidité était admise lorsque l’assuré(e) présentait le “tableau clinique caractéristique” de tels traumatismes, même sans lésions objectivables au niveau du cou. Ce “tableau” était celui de troubles de l’équilibre, de douleurs diffuses, éventuellement de troubles de la vision, de problèmes neuro-psychologiques (attention, concentration, mémoire, fatigabilité), voire de dépression,  tout cela empêchant l’assurée(e) de travailler.

En quelque sorte,  le “coup du lapin” bénéficiait d’un traitement judiciaire meilleur que d’autres troubles du même genre, également présents sans atteintes objectivables, comme :

– la fibromyalgie (il y a controverse à ce sujet, car cette maladie est reconnue comme justifiant un diagnostic rhumatologique)

– le trouble somatoforme douloureux, TSD, (douleurs généralisées sans bases objectivables)

– le syndrome de fatigue chronique ou neurasthénie, CFS.

Pour ces trois catégories, le TF n’admet l’invalidité que si un effort de volonté pour surmonter le mal n’est pas exigible. Quand cette condition est-elle remplie ?  Lorsqu’il existe une comorbidité psychique d’une gravité  et intensité notables, de longue durée, sans rémission durable, un retrait social prononcé dans tous les domaines de la vie, une impossibilité de traitement psychiatrique (sans mauvaise volonté du patient) et  l’impossibilité ou l’échec de mesures de réhabilitation. Tout cela doit résulter d’expeertises médicales approfondies.

Le nouvel arrêt décide (Chambres sociales réunies, et après rejet d’une demande de récusation du Juge Meyer, qui plaidait depuis longtemps pour une jurisprudence plus sévère) que le “coup du lapin” ne se distinguera désormais plus des autres atteintes citées : il faudra aussi le critère  – sévère – des efforts de volonté non exigibles .

Le TF confirme aussi que si l’absence de reprise du travail est due avant tout à des facteurs psycho-sociaux ou socio-culturels, cela n’entraîne pas une invalidité au sens des assurances sociales.

Dans le présent cas,  les juges de 1ère instance ayant admis l’invalidité du seul fait qu’il y avait eu un “coup du lapin” avec le “tableau clinique caractéristique”,  leur jugement est annulé et ils sont invités à creuser la question de l’exigibilité de l’effort de volonté.

ATF destiné à publication  9C_510/2009 du 30.8.2010 ( avec un résumé des jurisprudences antérieures).

Notre commentaire :

1. La spécificité des séquelles du traumatisme cervical, pourtant constatée dans pratiquement tous les cas, est ici niée par une rapide assimilation aux autres affections, non-traumatiques, uniquement au motif qu’il faudrait respecter l’égalité de droit entre les invalides et (c’est sous-jacent !) soulager les asssureurs sociaux. Cela nous paraît insuffisant et erroné: l’égalité n’exige pas un traitement identique de situations différentes.

2. Les Cours civiles du TF continuent – de leur côté – à avoir une jurisprudence plus généreuse sur la causalité adéquate entre l’accident et les séquelles de traumatismes cervicaux. Le TF ne dit rien de cela, et passe sous silence que dans la plupart des cas les assureurs sociaux peuvent se retourner contre l’auteur du dommage.

3. Désormais, les personnes rendues invalides par un “coup du lapin” vont être davantage tributaires de l’aide sociale, puisqu’elles n’auront plus ni rente LAA, ni rente AI, ni rente de 2ème pilier ! C’est une humiliation et un transfert de charges … Cette jurisprudence serait plus acceptable si les personnes atteintes avaient tendance à profiter de la situation, mais c’est très rarement le cas, et les méthodes de réhabilitation, qu’elles essaient en général avec assiduité, ne permettent de loin pas de résoudre tous les problèmes. Notre expérience est que ces victimes font vraiment de très gros efforts pour reprendre une vie normale, et que seuls les cas où les séquelles perdurent aboutissent à des demandes de rentes.

4. Les experts médicaux ne seront pas toujours en mesure de dire avec suffisamment de sûreté si l’effort de volonté est ou non “exigible”.  D’ailleurs : est-ce vraiment leur rôle de dire ce qui est “exigible” et ce qui ne l’est pas ?  De plus, comme le montre précisément cet arrêt, l’instruction de toutes les affaires de traumatismes cervicaux en assurance sociale va être compliquée et non simplifiée par ce critère nouveau de l’effort exigible de volonté.

5 .  La jurisprudence en la matière refuse toujours de reconnaître des méthodes  nouvelles de diagnostics permettant précisément d’objectiver les lésions de la nuque, spécialement des parties molles, expliquant bien souvent les troubles subis par les victimes. Mais il faut espérer que bientôt, ces méthodes auront progressé suffisamment pour qu’elles ne puissent plus être refusées par les tribunaux, ce qui évitera aux victimes de continuer à passer pour des personnes de mauvaise volonté, voire des simulateurs.

Sécurité au travail : une entreprise peut être condamnée au pénal !

X. est victime d’un grave accident : alors qu’il était occupé à découpler un tuyau hydraulique sur un camion, ce raccord lui saute au visage et il perd un oeil, ainsi qu’une partie de la fonction du bras. La cause de l’accident est qu’en raison de négligences graves dans l’organisation et la surveillance du travail des mécaniciens, l’un de ceux-ci, qui n’a pu être identifié, a couplé – en forçant- un raccord gaz avec un raccord métrique, incompatibles. Si le raccord avait été fait correctement. la pression d’huile se serait évacuée lentement au dévissage. Le lésé dépose une plainte pénale en se fondant sur le nouvel art. 102 du Code pénal, permettant d’infliger une amende jusqu’à Fr. 5 mios à une entreprise, lorsqu’un crime ou délit commis en son sein ne peut être imputé à aucune personne physique en raison d’un manque d’organisation dans l’entreprise.

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