Invalides travaillant à temps partiel : nouvelle jurisprudence, après Di Trizio !

Madame X, invalide de naissance, reçoit dès l’âge de 20 ans une rente entière de l’AI, car elle ne peut travailler que dans un cadre protégé et elle a un degré d’invalidité de 88 %.

En 2017, elle accouche d’un fils, ce qui l’amène à arrêter de travailler. Elle indique que sans ses problèmes de santé, elle travaillerait à 20 % hors de son domicile et serait ménagère à 80 %. L’office AI lui retire dès lors sa rente, en calculant son degré d’invalidité à 20 %. Le tribunal cantonal de Lucerne, se basant sur l’arrêt Di Trizio (voir sur ce site), considère que seule la naissance de l’enfant est à l’origine de ce changement de statut et que, par conséquent, la rente doit être maintenue. L’office AI fait recours au Tribunal fédéral (TF). 

La question qui se posait au TF était de savoir comment le nouveau règlement de l’AI (RAI) devait s’appliquer au regard de cet arrêt européen, qui était précisément à l’origine de cette modification dudit RAI. En résumé, ce nouveau RAI applique la méthode mixte en calculant la part professionnelle et la part ménagère comme si chacune de ces parts était pratiquée à 100 %, puis établit l’empêchement dans chacune de ces parts. La pondération de ces deux empêchements donne ensuite le pourcentage d’invalidité.

Dans le cas de Madame X, l’invalidité dans la part ménagère était relativement faible, de sorte qu’au final elle ne dépassait effectivement pas un taux d’invalidité de 20 %, après ladite pondération.

Toutes les parties sont d’accord, le TF également, sur le fait que seule la naissance de l’enfant a entraîné un changement de statut. On est donc bien dans un cas « Di Trizio ». Mais, juge le TF, le RAI modifié satisfait aux exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg : il empêche une discrimination systématique des femmes. Autrement dit, Il est dans la nature des choses qu’une atteinte à la santé se manifeste de manière moins marquante dans l’activité ménagère, compte tenu de la flexibilité accrue qu’offre une telle activité par rapport à une activité professionnelle. Le fait d’en tenir compte est conforme à Convention européenne.

Dès lors, la rente doit bel et bien être supprimée et le recours de l’office AI est admis.

ATF 9C_82/2020 du 27 octobre 2020, destiné à publication

Notre commentaire :

Il y aura peut-être un nouveau recours à Strasbourg. En effet, quoi qu’en dise le TF, la discrimination des femmes subsiste. Le nouveau RAI  ne la supprime pas entièrement.

Toutefois, en l’espèce, Madame X a perdu son procès parce qu’elle a indiqué que, sans atteinte à la santé, elle ne travaillerait qu’à 20 % professionnellement et qu’elle serait « femme au foyer » à 80 %. Le résultat aurait à notre avis était différent si elle avait indiqué que sans atteinte à la santé (et sans la naissance de son fils) elle aurait continué à exercer une activité professionnelle à 80 % au minimum.

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