Invalidité d’un jeune charpentier indépendant

Un charpentier indépendant, né en 1971, a perdu en 2000 pratiquement la totalité de l’usage de son œil droit et a obtenu une rente d’invalidité, qui a été confirmée en 2005 et en 2009.

En 2013, il a en outre été atteint d’une sclérose multiple. Se fondant cependant sur une expertise de 2015, l’office AI estime que cet assuré est à nouveau capable de travailler à environ 75 %, car sa vue se serait améliorée, et, par conséquent, lui supprime sa rente. Cette décision est confirmée par le Tribunal cantonal de Saint-Gall, mais l’assuré dépose un recours au Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité rappelle que le degré d’invalidité se détermine par la comparaison du revenu que l’assuré obtiendrait sans atteinte à la santé avec celui qu’il peut encore atteindre en utilisant au mieux sa capacité de gain restante. Lorsqu’il n’est pas possible de procéder de cette manière, il faut établir une liste des tâches (c’est la méthode dite extraordinaire) et voir quel est le handicap dans chacune de celles-ci.

L’autorité cantonale a utilisé la méthode générale des statistiques. Vu les compétences de l’assuré dans sa profession, il pourrait sans atteindre à la santé obtenir un revenu d’environ Fr. 100 000.-. Avec l’atteinte à la santé, sont revenus exigibles est de Fr. 75 000, d’où un degré d’invalidité de 37 %, insuffisant pour atteindre le seuil ouvrant le droit à une rente (40 % pour un quart de rente).

Le TF n’est pas de cet avis. Avant l’atteinte à la santé, l’assuré avait sa propre entreprise. Il venait cependant de se lancer, étant encore jeune (29 ans) ; l’office AI, à l’époque, s’était basé, en faveur de l’assuré, sur des revenus statistiques pour les personnes valides bien plus élevés. Aujourd’hui, ces revenus statistiques ne peuvent plus être déterminants, et ne constituent pas – ou plus – une base de comparaison, même approximative. Il faut donc appliquer la méthode extraordinaire, et analyser les effets des atteintes à la santé sur chacune des tâches que cet assuré peut encore accomplir. Le TF souligne en outre que, depuis 2000, l’assuré a pu, malgré son handicap, bien gérer son entreprise et l’agrandir. Le recours est admis et la cause est renvoyée à l’office AI pour qu’il applique cette méthode extraordinaire.

ATF 8C_208/2019 du 25 novembre 2019

Notre commentaire :

On constate donc que les indépendants (eux avant tout) peuvent parfois bénéficier de cette méthode extraordinaire, notamment lorsque leur entreprise peut être continuée malgré l’invalidité. La question délicate en pratique est celle de savoir si l’office AI est en droit, indirectement, d’ « obliger » l’assuré à abandonner son entreprise au profit d’un travail quelconque, cela en appliquant la méthode ordinaire consistant à considérer que l’assuré pourrait mieux exploiter sa capacité de gain restante sur le marché général du travail.

 

 

 

 

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