Di Trizio toujours : quid en cas de reconsidération ?

Une assurée, ancienne gérante de boulangerie, touchait une rente AI entière à la suite d’un accident de 2001. Cette rente avait été confirmée lors de plusieurs révisions ultérieures.

En 2013, elle donne naissance à un fils. Cela amène l’Office AI à constater que, sans atteinte à la santé, elle travaillerait aujourd’hui à 80 % et effectuerait ses tâches ménagères à 20 %. Elle n’a, selon cette méthode, plus droit à une rente.

L’affaire fut portée devant la cour cantonale, qui jugea que cette « méthode mixte » (80 %–20 %) ne peut pas internenir sans que soient violés les principes posés par la juridiction européenne. En revanche, il est possible, par une substitution de motifs, de se placer sur le terrain de la reconsidération et l’on aboutit ainsi à trois quarts de rente.

L’Office AI fait recours au Tribunal fédéral (TF), en vue de faire confirmer la suppression de rente (par voie de reconsidération).

Le TF rappelle ceci :

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme Di Trizio s’applique lorsque seuls des motifs familiaux (naissances d’enfants) impliquent une réduction du pensum de travail, donc un passage à la méthode mixte, moins favorable à l’assurée, dans le cadre d’une procédure de révision.

Mais qu’en est-il en procédure dite de reconsidération (même par substitution de motifs) ? Étant donné que la reconsidération règle la situation actuelle et pour l’avenir, peut-on, lors de cette reconsidération, faire abstraction de ce changement de statut familial ?

Le TF n’avait pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ce point. Il rappelle que lors d’une reconsidération, il faut se fonder sur la situation actuelle. Cependant, il n’est pas admissible d’utiliser la reconsidération pour contourner l’arrêt di Trizio, de sorte que même dans ce cas, cet arrêt s’applique comme si l’on était en procédure de révision. Autrement dit, il faut faire abstraction de la méthode mixte et procéder selon la méthode utilisée jusqu’ici de comparaison des revenus.

Lors de l’application de cette méthode, il faut partir de l’idée que, sans atteinte à la santé, l’assurée aurait poursuivi son activité de gérante de boulangerie qu’elle avait exercée avant l’accident durant presque cinq ans. Il faut prendre les résultats ESS 2014 et non 2012. Ces calculs aboutissent à 1° d’invalidité de 51 à 57 %, selon la méthode choisie. L’assuré a donc droit à une demi-rente. Le recours est partiellement admis.

Le TF considère, pour ce qui est des frais et dépens, que l’AI n’a gagné que pour 25 % environ et que l’assurée, de son côté, a donc gagné le recours pour 75 %.

ATF 9C_358/2017 du 2 mai 2018 destiné à publication

Notre commentaire : 

Cet arrêt doit être approuvé. Il renforce encore la protection familiale offerte par l’arrêt Di Trizio. En effet, il refuse — à juste titre selon nous — que cette protection soit réduite à néant par l’application, en lieu et place d’une révision, d’une reconsidération , à l’occasion de laquelle on utiliserait la méthode mixte, méthode qui, par hypothèse, aurait été prohibée en cas de révision. Autrement dit : il est certes possible de corriger par voie de reconsidération une erreur initiale de l’administration, qui se serait montrée trop « généreuse » dans l’octroi d’une rente, mais on ne peut pas, lors de cette reconsidération, appliquer la méthode mixte si cela va à l’encontre des principes de l’arrêt Di Trizio.

 

 

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