Même pour une rente entière, le taux exact d’invalidité est important

Un assuré se voit reconnaître par l’office AI un taux d’invalidité de 83 %. Autrement dit, il pourrait théoriquement gagner encore 17 % de ce qu’il gagnerait s’il était en bonne santé. Exprimant son désaccord avec ce 17 %, il recourt au tribunal cantonal d’Argovie, qui n’entre pas en matière. Selon ce tribunal en effet, le recourant n’a pas intérêt à ce que le taux d’invalidité soit fixé précisément, dès l’instant où ce taux est supérieur à 70 % donnant droit à la rente entière. De son côté, l’assuré pense à la prévoyance professionnelle (2e pilier), qui ne manquera pas d’inclure dans ses calculs de surindemnisation ce 17 % de gain théorique et hypothétique. L’assuré recourt donc au TF contre le refus du tribunal cantonal d’entrer en matière.

La question est celle de savoir si l’assuré a intérêt à ce que son taux d’invalidité soit arrêté à 100 % plutôt que 83 %. Certes, cela ne change rien en AI. Mais pour ce qui est du 2e pilier, l’assureur — en l’occurrence la Bâloise — est également intervenu dans ce procès. Étant donné que désormais les calculs de surindemnisation incluent un revenu exigible théoriquement réalisable, même s’il n’est pas réalisé effectivement, et que par ailleurs les institutions de prévoyance professionnelle sont en général liées par ce qu’a décidé l’AI, l’assuré a effectivement un intérêt à ce que soit tranchée la question de savoir si, objectivement, il peut réaliser encore un gain qui va lui être imputé dans les calculs. La cause doit donc être renvoyée à l’autorité cantonale pour l’examen, dans le cas concret, de cette éventuelle capacité restante exigible de 17 %. L’assuré obtient gain de cause pour des raisons qualifiées par le TF de relativement formelles (refus par l’autorité cantonale d’entrer en matière sur des arguments déposés).

9C_246/2016 du 31.8.2016

Notre commentaire :

La portée de cet arrêt est bien plus importante que ce que l’on pourrait penser de prime abord. En effet, au regard du lien étroit qui existe entre l’assurance invalidité (premier pilier) et la prévoyance professionnelle (2e pilier), le degré précis d’invalidité — et non seulement la rente — vont jouer un rôle décisif au moment des calculs de coordination et surindemnisation. Cet arrêt impose donc aux tribunaux cantonaux non seulement de confirmer ou d’infirmer les décisions de rente des offices AI, mais d’indiquer quel est le degré d’invalidité retenu. Ainsi, une motivation selon laquelle il suffit de constater que l’assuré dépasse le 70 % d’invalidité et a donc droit à une rente entière ne serait pas suffisante : les tribunaux devront indiquer si possible dans le dispositif même de leur jugement quel degré précis d’invalidité est retenu. S’ils ne le font que dans les motifs, il pourrait selon une interprétation extensive de cet arrêt y avoir un recours au TF sur les motifs. Et les assurés, de leur côté, devrait non seulement dans leur recours, conclure à telle ou telle rente AI, mais à la reconnaissance de tel ou tel degré d’invalidité.

À noter encore que la notion d’invalidité n’est pas forcément la même pour le premier et pour le second pilier : le degré d’invalidité pour l’AI suppose que l’on tienne compte d’un « marché du travail équilibré » (qui n’existe souvent pas pour les invalides),alors que plusieurs règlements de prévoyance professionnelle sont un peu plus « généreux » et ne mentionnent pas cette condition généralement défavorable aux invalides.

 

 

-commentaires (0)-

Publier un commentaire