L’envoi recommandé contenait-il bien le document annoncé ?

Des locataires ont reçu leur bail, accompagné de divers documents sous pli recommandé. Sur leur bail figure la mention que celui-ci est accompagné de la fameuse « formule officielle » indiquant le loyer initial. Ultérieurement, ils prétendent que ce document — dont l’usage était obligatoire — n’étaient pas contenu dans l’envoi. Une employée de la gérance, entendue comme témoin, indique que généralement cette formule est jointe au bail. Rien ne permettait de dire qu’il en serait allé différemment dans ce cas. Les deux instances vaudoises donnent tort au locataire et considèrent que la preuve de l’absence de formule officielle n’a pas été apportée. Lesdits locataires recourent au Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité pose clairement la présomption que le destinataire d’un pli recommandé, qui prétend que le contenu de ce pli est incomplet, doit le prouver. Le fardeau de la preuve est donc déplacé : même s’il incombe en général à l’expéditeur de prouver la réception d’une déclaration de volonté par sa partie adverse, la présomption joue en sa faveur lorsque le document en question est mentionné sur un autre document (en l’occurrence : la formule officielle était évoquée au pied du bail). Sinon, il faudrait que l’expéditeur exige du destinataire que celui-ci accuse réception de tous les documents prétendument inclus dans le pli recommandé. Ici, les locataires n’ont pas réagi à l’absence — selon eux — de la formule officielle. Dès lors, il y a présomption que le pli contenait tout ce qu’il fallait. Cette présomption n’ayant pas été renversée, le TF tranche en faveur du bailleur.

ATF 4A_398/2015 du 19 mai 2016, destiné à publication

Notre commentaire :
Il est étonnant tout d’abord que cette question n’ait pas été tranchée clairement jusqu’ici, tant son importance pratique est forte. On a l’impression que, dans la présente affaire, le TF a voulu éviter que le locataire puisse profiter d’une sorte de « restriction mentale » : il ne dit rien à réception du bail mentionnant la formule officielle, se réservant ainsi implicitement, beaucoup plus tard, de récupérer le trop-payé. Une telle attitude n’est certainement pas digne de protection. Néanmoins, cet arrêt pose des problèmes parce qu’il peut conduire à des abus inverses : la régie ou une compagnie d’assurances omet volontairement de joindre un document annoncé (pour une assurance : les CGA) en espérant que la partie adverse (locataire ou assuré) ne s’en apercevra pas et ne réagira pas. Ce risque existe bien entendu : chacun ne vérifie pas systématiquement si tous les documents nécessaires sont joints à un envoi. Notre conseil au locataire (et aux assurés) est donc de vérifier attentivement si l’envoi est complet, en particulier  si la formule officielle indiquant le loyer précédent est jointe ou non et de réagir si elle fait défaut. Ainsi, la controverse éventuelle sur le montant de ce loyer initial a lieu au début du bail et non beaucoup plus tard.

En matière d’assurance en particulier, l’expérience enseigne que les Conditions générales d’assurance (CGA) mentionnées dans la police ne sont pas jointes systématiquement à celle-ci. Lorsque l’assurance invoque une clause des CGA défavorable à l’assuré dans un cas de sinistre, celui-ci peut-il alors se prévaloir du fait que lesdites CGA n’ont pas été en réalité incorporées dans le contrat ? À notre avis, la question reste ouverte et la jurisprudence mentionnée ici n’est pas forcément applicable, parce que les CGA — contrairement à la formule de notification du loyer initial — ne sont pas individuelles, mais, précisément, générales. L’assuré ne pense pas nécessairement à écrire à l’assureur, dans les quatre semaines, que les CGA n’était pas jointes et que, par conséquent, les documents contractuels ne correspondent pas à ce qui avait été convenu.

Quid si une personne admet avoir reçu un pli recommandé mais prétend que l’enveloppe était vide ? Nous dirions qu’en pareille situation le destinataire qui devait s’attendre à recevoir un pli recommandé (et qui peut savoir qui l’a envoyé !) doit réagir en écrivant — également par recommandé — à l’expéditeur que l’enveloppe était vide, à défaut de quoi la présomption de réception de la communication jouera en sa défaveur. C’est le cas par exemple s’il est en retard pour payer le loyer ou s’il n’a pas payé une prime d’assurance : il devait s’attendre à des sommations. En revanche, si le destinataire ne devait pas s’attendre à cet envoi (par exemple : notification d’une hausse de loyer) il ne doit pas forcément réagir à réception d’un pli recommandé ne contenant rien (selon lui), car la voie du pli recommandé est souvent utilisée pour des communications sans grande importance.

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