Rapports entre la prévoyance plus étendue et l’AI

Un assuré est au bénéfice d’une pension d’invalidité de la caisse de pension des CFF (deuxième pilier). Il s’agit dans cette affaire d’une rente dite « temporaire » ou « rente- pont », destinée en principe être servie jusqu’au moment où l’invalide a droit à une rente de l’assurance invalidité (premier pilier).

Plusieurs mois plus tard, l’office AI accorde enfin sa rente avec effet rétroactif. Pour la période concernée, où l’assuré a touché à la fois la rente AI et la rente de la caisse de pension des CFF, celle-ci demande le remboursement non seulement de ce que l’assuré a touché de l’AI pour la période en cause, mais également d’un excédent, représentant près de Fr. 3000, excédent qui existait parce que la caisse de pension avait des prestations un peu plus généreuses que celles de l’AI, et cela tant en ce qui concerne le montant que pour ce qui est de la définition de l’invalidité.

L’assuré est bien sûr d’accord de rembourser ce qu’il a touché de l’AI, mais il veut pouvoir conserver l’excédent. À son avis, la caisse de pension des CFF ne peut pas limiter ses prestations pour les rentiers qui touchent l’AI car ce serait créer une inégalité avec ceux qui ne touchent pas l’AI (ce qui pourrait arriver dès lors que les conditions pour toucher une rente AI sont plus sévères que celles posées pour toucher une prestation de la caisse de pension des CFF).

Le Tribunal des assurances du canton de Berne donne tort à l’assuré et le condamne à rembourser les Fr. 3000 à la caisse de pension des CFF. Ne l’entendant pas de cette oreille, l’assuré recourt au Tribunal fédéral.

 

 

Cette autorité rappelle tout d’abord les grands principes régissant les caisses de pension plus étendues que celle assurant les seules prestations minimales selon la LP P : toute caisse de pension doit respecter les principes d’adéquation, de collectivité (solidarité), d’égalité de traitement, de planification ainsi que d’assurance.

Or, la distinction que l’exigence de remboursement entraîne en l’espèce entre les assurés qui remplissent les conditions rigoureuses de l’assurance invalidité et ceux qui remplissent seulement les conditions plus larges du deuxième pilier est injustifiée. Elle viole l’égalité de traitement. Par conséquent, l’assuré en question doit certes rembourser ce qu’il reçoit de l’AI, mais il ne doit pas rembourser l’excédent par rapport à ces rentes AI. Ledit excédent n’est que la conséquence du caractère plus généreux de la caisse de pension des CFF.

Le recours est donc admis. La caisse de pension des CFF doit renoncer à son exigence de remboursement et doit en outre payer Fr. 2800 de dépens au recourant.

ATFdu 13 juillet 2015, 9C_644/2014

Commentaire :

Cet arrêt montre les relations complexes entre le premier et le deuxième pilier. Il rappelle utilement tous les principes applicables. Un assuré ne peut pas s’enrichir en conservant une rente temporaire de sa caisse de pension : il doit admettre de restituer cette rente à hauteur des prestations AI qu’il touche pour la même période, si cela est prévu par le règlement. Ce n’est d’ailleurs pas une question d’interprétation, donc d’application de la règle « in dubio contra proferentem » (le TF commet dans ce cas une erreur manifestement involontaire en parlant de « in dubio pro proferentem »), selon laquelle une clause imprimée peu claire s’interprète en principe contre son rédacteur. Mais si la rente de la caisse de pension, pour la même période, est plus élevée, l’assuré ne peut pas être privé de cet excédent. Cependant, comme toujours en matière de conditions imprimées, on peut craindre que cet arrêt du Tribunal fédéral n’amène les caisses à prévoir des dispositions plus rigoureuses, dont il faudra alors examiner si elles respectent encore les principes rappelés par le Tribunal fédéral.

 

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