Intérêt négatif : retour de dispositions poussiéreuses ?

Votre salaire est généralement payé sur votre compte bancaire ou postal. Il en va de même des encaissements auxquels vous avez droit, par exemple les remboursements de votre assurance maladie. Ou encore, si vous êtes commerçant, vous acceptez aujourd’hui des paiements par carte plutôt que de l’argent comptant, le prix étant ainsi directement payé sur votre compte commercial.

Avec les intérêts négatifs, vous risquez d’être perdants : non seulement la banque va vous prélever des frais — ce qui n’est pas encore trop grave — mais surtout elle va vous débiter des intérêts négatifs. Pour peu que vous laissiez un certain montant sur votre compte, par exemple parce que vous n’utilisez pas immédiatement la totalité de votre salaire, vous toucherez finalement moins que ce salaire.

Doit-on envisager le retour à la bonne vieille « enveloppe de paie » ? En effet, une dette d’argent est en principe « portable » : cela signifie que le débiteur — l’employeur — devrait en principe vous remettre personnellement l’argent en cash, en application de l’article 74 alinéa 2 chiffre 1 du Code des obligations, ainsi libellée : « à défaut de stipulation contraire, les dispositions suivantes sont applicables : lorsqu’il s’agit d’une somme d’argent, le paiement s’opère dans le lieu où le créancier est domicilié à l’époque du paiement ».

Cette règle ne vaut toutefois que si précédemment le créancier n’a pas expressément ou tacitement admis un paiement sur compte bancaire ou postal. Or, cet accord exprès ou tacite est aujourd’hui la règle. Donc en principe il n’y a rien à dire contre le paiement sur un tel compte.

Étant donné les montants considérables qui sont en jeu avec ce nouveau système des intérêts négatifs, il se pourrait bien que, désormais, les créanciers de toutes prestations demandent à être payés au comptant. La masse de la monnaie physique a déjà commencé à augmenter considérablement, au point que l’on envisage aujourd’hui d’interdire les paiements au comptant pour les montants dépassant Fr. 100’000.-(cela aussi en lien avec le risque de blanchiment).

Bien évidemment, un accroissement des paiements au comptant coûte extrêmement cher :

•    la plupart des virements se font actuellement de manière informatique, et il faudrait modifier les programmes de manière importante

•    le fait d’avoir beaucoup de cash entraîne des problèmes de sécurité tant chez le débiteur — l’employeur – que chez le créancier — le salarié — et nécessite aussi beaucoup de manipulations. Aujourd’hui déjà, les vendeurs de coffres-forts se frottent les mains…

On ne peut pas exclure qu’à l’avenir — notamment si cette phase d’intérêts négatifs devait durer longtemps — beaucoup de créanciers décident finalement de demander des paiements en cash. Autrement dit, les intérêts négatifs constituent une menace de « régression » par rapport à toute l’évolution de ces dernières décennies concernant les flux de paiement.

Ajoutons pour terminer qu’un débiteur qui serait par hypothèse tenu de régler sa dette en cash et qui préférerait décider unilatéralement de payer sur un compte bancaire ou postal du créancier ne serait légalement pas libéré de cette dette ! Autrement dit, il serait exposé à devoir payer deux fois ! Et, n’étant pas libéré, il devrait des intérêts de retard — positifs cette fois-ci — à 5 % par an tant et aussi longtemps qu’il n’aurait pas opéré le paiement comptant. C’est dire que si l’antique système de la dette « portable » devait retrouver une jeunesse, toutes sortes de surprises ne sont pas à exclure…

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