Valeur litigieuse en droit du travail : comment la calculer quand une partie demande que la résiliation soit annulée ?

Un travailleur reçoit son congé. Il saisit le tribunal qu’il estime compétent (juge unique, canton de SO) en demandant que soit constatée la nullité de la résiliation et que lui soient alloué en outre un montant de Fr. 11’600 plus intérêts.

Il obtient gain de cause pour l’annulation et partiellement gain de cause quant au montant, soit Fr. 3300 sur les Fr. 11’600 qu’il réclamait.

L’employeur fait recours en disant que la valeur litigieuse était en réalité supérieure à Fr. 30’000, si bien que la cause aurait dû être jugée par un tribunal à trois juges. La cour cantonale donne raison à cet employeur. Le salarié recourt au Tribunal fédéral.

 La question qui se posait était celle de savoir comment traiter, quant à la valeur litigieuse, une prétention qui conclut à la constatation qu’une résiliation est nulle: doit-on prendre 20 fois le salaire mensuel (comme on prend 20 fois l’augmentation litigieuse annuelle  en matière de bail) ou du moins considérer que si la résiliation n’avait pas été nulle, le contrat se serait poursuivi un certain nombre de mois, permettant ainsi d’atteindre le fameux seuil de Fr. 30’000 ? Par ailleurs, le salarié a-t-il raison de plaider que l’employeur, qui n’a pas protesté contre la présence d’un juge unique dans le procès en première instance, est à tard pour soulever cette question de compétence ?

Le Tribunal fédéral ne dit pas d’une manière tout à fait claire comment il faut calculer la valeur litigieuse pour un litige sur la validité d’une résiliation. Il se borne à constater qu’au moment où l’employé a saisi le tribunal de première instance, il n’avait pas reçu — une deuxième fois — une résiliation et que plus de sept mois s’étaient écoulés depuis la résiliation litigieuse. Par conséquent, la valeur litigieuse de Fr. 30’000 était en tout cas atteinte. Peu importe à cet égard que l’employeur ait été dispensé de payer ce salaire par le fait qu’il avait assuré son employé pour une durée de 720 jours en cas de maladie (articles 324 a et 324 b CO).

Quant à la deuxième question, portant sur l’attitude de l’employeur qui n’avait pas soulevé le grief d’incompétence lorsqu’il s’est trouvé devant un juge unique et qui serait donc à tard pour s’en plaindre ultérieurement, le Tribunal fédéral partage l’avis de la cour cantonale, selon lequel ces questions de compétence sont examinées d’office et n’ont donc pas à être soulevées par la partie.

En conséquence, c’est à juste titre que la cour cantonale a annulé le jugement rendu par le juge unique.

ATF du 20 février 2015, 4A_488/2015 destinés à publication

Notre commentaire :

Cet arrêt clarifie à peine la question difficile de la valeur litigieuse lorsqu’une partie, dans n’importe quel contrat de durée, prononce une résiliation, considérée par l’autre partie comme nulle ou annulable. Normalement, si la résiliation est effectivement annulée, le contrat se poursuit pour une durée indéterminée et il faudrait donc appliquer la règle des 20 annualités. On aurait ainsi, pour une résiliation litigieuse d’un contrat de travail avec un salaire de Fr. 60’000 par an une valeur litigieuse de Fr. 1’200’000 ! Cela paraît tout à fait excessif, notamment au vu des frais judiciaires considérables qu’il faut maintenant avancer. Nous pensons que si une partie conclut à la nullité d’une résiliation et chiffre simultanément les conséquences économiques qu’elle entend en déduire, c’est bien cette valeur qui doit compter. En tout cas, il est dommage que le Tribunal fédéral ait laissé ouverte la question principale posée par cette affaire, soit la manière de calculer la valeur litigieuse en pareil cas.

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