Attention : les prêts sont en principe prescrits après 10 ans

En 1993, A prête à son frère R un montant de fr. 50’000.-. Des intérêts n’étaient pas prévus et rien n’était dit quant à la durée du prêt.

Il y eut ensuite divers décès dans la famille et le remboursement du prêt fut réclamé en 2010.

Les héritiers du prêteur admettaient certes que la prescription était intervenue en 2003, mais ils faisaient valoir que cette prescription avait été interrompue par une reconnaissance de dette orale, lors d’un repas de famille, par l’une des codébitrices.
En première instance, l’action est admise : le prêt doit être remboursé. En appel, il est jugé en sens inverse que la prétention est prescrite et que les fr. 50’000.- ne doivent pas être remboursés. Les héritiers du prêteur recourent au Tribunal fédéral.

Celui-ci confirme l’avis de la Cour d’appel. Tout d’abord, il rappelle sa jurisprudence fondée sur l’art. 130 al. 2 CO : le délai de prescription commence à courir dès l’expiration de 6 semaines à compter de l’octroi du prêt (ces 6 semaines sont tirées de l’art. 318 CO). Autrement dit, la prescription commence à courir à la première date possible de dénonciation du prêt en vue du remboursement (ATF 91 II 442 cons. 5b page 451/452; arrêt 4A_699/2011 du 22 décembre 2011, cons. 3 et 4). La première instance s’était donc trompée en faisant partir le délai de prescription au moment de la résiliation du prêt en janvier 2010.

L’argument subsidiaire du prêteur, à savoir que la prescription avait été interrompue parce que, lors d’un repas de famille, le débiteur avait reconnu la dette (art. 135 ch. 1 et 137 al. 1 CO) n’a pas trouvé grâce aux yeux du TF. Le prêteur a plaidé en vain que la Cour d’appel avait rejeté à tort les témoignages des proches, l’un étant l’époux de la demanderesse et l’autre l’amie du demandeur (les héritiers du prêteur). Autrement dit, le TF a partagé l’avis de la Cour d’appel qui n’attribuait pas un poids suffisant à ces témoignages de proches d’une partie.

ATF 4A_181/2012 du 10 septembre 2012

Notre commentaire :

Les affaires de famille sont les plus délicates. Bien souvent, on s’accorde des prêts sans grandes formalités et on conserve quelque part une reconnaissance de dette, qui demeure oubliée dans un tiroir pendant plus de 10 ans. Elle perd ainsi toute valeur. Et si on discute de ce prêt lors d’une réunion de famille, sans demander un écrit valant interruption de prescription ou reconnaissance de dette ou autre, cela dans un délai de 10 ans + 6 semaines, les témoignages ne seront pas retenus.

La leçon de cette affaire est que les témoignages des proches d’une partie (le mari, le frère, la sœur, le partenaire de vie, etc.) sont sujets à caution, même si ces témoins n’ont pas d’intérêt personnel à l’aboutissement de l’affaire. Il faut donc que les témoignages soient dans la mesure du possible corroborés par d’autres éléments. Le mieux est un contrat de prêt et, pour l’interruption de prescription, une reconnaissance de dette écrite.

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