Les rentes suisses peuvent-elles être versées en euros ?

X. citoyenne slovène, a perçu durant plusieurs années une rente AI en francs suisses. Dès 2006, la Caisse suisse de compensation à Genève a estimé pouvoir verser ces rentes en euros (au cours du jour). X estime cela inadmissible. Le TF tranche.

La Slovénie fait partie de l’Union européenne et a abandonné sa monnaie nationale (le tolar) au profit de l’euro, dès le 1.1.2007. Les prestations des assurances sociales peuvent, au sein de l’Union européenne, être versées dans la monnaie du pays concerné. En vertu des Accords bilatéraux, la Suisse applique les mêmes règles. Par conséquent, ces rentes peuvent aussi être versées en euros. Le TF dit même qu’elles doivent l’être.

L’assurée faisait valoir des arguments économiques, mais qui ont été jugés peu convaincants. Elle disait d’abord que si elle pouvait elle même convertir, elle aurait l’avantage de pouvoir choisir le meilleur moment, donc le meilleur taux de change. Elle gagnerait ainsi 8 à 10 Fr. par mois. A quoi le TF lui répond que si elle a vraiment besoin de ses rentes pour vivre, elle n’a plus le choix dudit moment.

Et, ajoute le TF – et c’est-là un élément à notre avis important –  si l’assureur social suisse veut convertir lui-même en euros  sa prestation, c’est à lui de supporter le coût de ce change, alors que ce serait à l’assuré de le supporter si le versement avait lieu en francs suisses. Au vu de cela, l’assuré n’a pas vraiment un inconvénient.

ATF du 15 juin 2011 9C_777/2010, destiné à publication.

Notre commentaire :

Même si les assurés bénéficient actuellement d’un taux de change très favorable, vu la faiblesse de l’euro, nous trouvons cette solution discutable. l’Union européenne n’est en rien lésée si les rentes suisses sont payées en francs suisses. Une obligation d’utiliser l’euro n’existe pas, à notre avis.  De plus, un rentier doit pouvoir s’organiser librement. Par exemple, rien ne lui interdit de laisser sa rente en Suisse,  notamment si un tiers lui verse le montant correspondant dans son pays. Les opérations de compensation monétaires sont licites et ne doivent pas être réservées aux grands traders. En outre, cet arrêt crée une discrimination entre ceux qui se voient imposer une monnaie et ceux qui peuvent changer librement (ou non). Enfin, cet arrêt est peu compatible avec l’article 84 CO suisse, selon lequel le paiement d’une dette suisse se fait,  sauf convention contraire, en monnaie du pays (le franc suisse). Le TF n’évoque même pas cette disposition, alors même que le CO est souvent appliqué comme droit supplétif dans le domaine des assurances sociales.

PN

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